Les venins intéressent de près non seulement la recherche mais aussi l’industrie pharmaceutique. Cet intérêt est nourri par l’espoir d’y déceler des molécules à potentiel thérapeutique.
M. Ksas, co-fondateur de Venom World, a une méthode bien huilée: à l’aide d’un long crochet en métal, il extirpe le serpent puis l’immobilise au sol. Ensuite, la gueule ouverte fermement maintenue, le reptile est transporté à mains nues devant un verre coiffé d’un parafilm. Il y plante ses crocs et crache son venin. Les glandes à l’arrière de la mâchoire sont stimulées par les doigts de M. Ksas. L’opération ne prend que quelques secondes.
Les animaux ne sont prélevés qu’une fois par moi afin de limiter le stress et permettre la reconstitution du venin. M. Ksas explique qu’une fois purifié et lyophilisé, un venin de serpent vaut “de 200 à 5.000 euros” le gramme, chez les scorpions le gramme peut monter jusqu’à 20.000 euros. L’entrepreneur estime, “Si on produit 400 à 500 grammes secs de venin par an, c’est déjà bien”.
Un venin contient plusieurs centaines de molécules, dont la plupart sont des toxines peptidiques. Chacune d’elles a une fonction ultra-précise et agit sur des récepteurs à la surface des muscles, des neurones ou des organes, pour les bloquer ou les activer. À faible dose, ces propriétés pourraient avoir des effets bénéfiques contre des pathologies aussi variées que le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, les dysfonctions rénales ou encore les maladies neurodégénératives.
La biotech grenobloise Smartox a, quant à elle, fait de l’analyse et du fractionnement des molécules de venins sa spécialité. Nouant ainsi des partenariats de recherche avec Sanofi, Bayer ou encore Xenon Pharmaceuticals. Rémy Béroud, PDG de Smartox rappelle à l’AFP “Les venins sont connus depuis l’Antiquité pour avoir des vertus thérapeutiques. Mais jusqu’à récemment, cette piste n’avait pas été beaucoup étudiée par l’industrie pharmaceutique”, qui s’est longtemps concentrée sur des molécules d’origine chimique.
Il existerait environ 40 millions de toxines différentes issues de quelque 170.000 espèces d’animaux venimeux recensées dans le monde.
Pendant plus de trois ans, le projet européen public-privé Venomics a étudié les données des gènes et protéines de venins de 203 espèces animales. Cela a permis d’identifier, caractériser et reproduire in vitro 3.600 toxines, soit la plus grande banque du genre au monde. Nicolas Gilles, coordinateur du projet Venomics explique “Ces toxines ont été optimisées par des millions d’années d’évolution. Et ce que la nature produit est toujours biologiquement actif”.
Mais il faudra trouver des groupes pharmaceutiques qui seraient intéressés d’accéder à cette banque, sur des cibles précises et moyennant finances.
À l’heure actuelle, seul le Byetta, un anti-diabétique est inspiré de la salive d’un lézard venimeux et l’absence de blockbuster issus de venin est un frein à l’intérêt des industriels.
Texte : AFP / esanum
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