La dengue est une infection virale, avec une symptomatologie proche de celle de la grippe. Elle provoque une forte fièvre, mais aussi des nausées, des vomissements, des céphalées, des éruptions cutanées, ainsi que des douleurs osseuses et articulaires. La pathologie, bien que peu mortelle, est potentiellement létale en provoquant une fuite plasmatique, une détresse respiratoire, une insuffisance organique, un syndrome de choc ou des hémorragies. Il n’existe pas de traitement spécifique antiviral : on se contente d’un traitement symptomatique. De plus, il n’existait aucun vaccin et le seul moyen de lutter contre la transmission était d’éviter la contamination par les moustiques.
La dengue est une arbovirose transmise par les espèces Aedes aegypti et Aedes albopictus, et sévit dans les régions tropicales et subtropicales d’Amérique Latine et d’Asie. Selon l’OMS, on compte 390 millions de cas par an, dont 96 millions symptomatiques. 3,9 milliards d’individus dans cent vingt-huit pays sont potentiellement exposés. 21 000 personnes meurent chaque année de dengue hémorragique (1% des cas de dengues).
La mise en place d’un vaccin a été laborieuse. En effet, il existe quatre stéréotypes du virus de la dengue : DEN-1, DEN-2, DEN-3 et DEN-4. Toute la difficulté consistait à induire une réponse immunitaire pour ces quarts types à la fois.
Le vaccin développé par Sanofi Pasteur est le résultat de vingt ans de recherche et développement, et de 1,5 milliards d’euros d’investissement. Le Dengvaxia est tétravalent, composé de quatre virus recombinants, couvrant tous les stéréotypes. Les essais cliniques de phase III, dont le rapport a été publié le 8 janvier 2015 par The New England Journal of Medicine, ont conclu à une efficacité de 60,8% avec trois doses de vaccin. La population incluse était 20 868 enfants de cinq pays latino-américains où la dengue est endémique. Dans un sous-groupe de 1944 enfants, 79,4% étaient séropositifs d’au moins un stéréotype de dengue. 176 cas de dengue ont été diagnostiqués dans le groupe vacciné contre 221 dans le groupe contrôle, soit 60,8% d’efficacité (77,7% pour le type 4 ; 74,0% pour le type 3 ; 50,3% pour le type 1 ; et 42,3% pour le type 2). L’efficacité contre la dengue sévère a été évaluée à 95,5%, et celle contre l’hospitalisation à 80,3%.
Séduit par ces résultats, le Mexique a donné son feu vert pour la commercialisation du vaccin. Guillaume Leroy, vice-président du programme dengue de Sanofi, estime « qu’en vaccinant 20 % de la population, on peut réduire de 50 % le nombre de cas ». La population concernée serait les enfants d’au moins neuf ans (en-deçà, le vaccin ne semble pas efficace, sans que l’on ne sache vraiment pourquoi). D’autres demandes d’AMM du Dengvaxia ont été déposés dans vingt pays. Rien qu’au Brésil, en 2015, il y a eu 1,5 millions de cas et 800 décès : un record !
Le coût annuel de la dengue pour les états est estimé entre 6 et 9 milliards de dollars, dont 170 millions pour le Mexique. Le chiffre d’affaire du Dengvaxia, quant à lui, pourrait dépasser un milliard d’euros annuels, en pariant sur cent millions de doses par an. « Ce vaccin a potentiellement un statut de blockbuster » se réjouit Olivier Chameil, PDG de Sanofi Pasteur.
Ce vaccin offre l’espoir de réduire drastiquement la prévalence de la dengue, alors que cette dernière se répand à toute vitesse dans le monde depuis cinquante années. L’objectif de l’OMS est de réduire la mortalité de 50% et la morbidité de 25% d’ici 2020.
Texte : esanum / sb
Photo : masuti / Shutterstock