Selon une étude publiée dans le New England Journal of Medicine et présentée au Congrès 2019 de l'American College of Surgeons, la moitié des résidents américains en chirurgie générale - en particulier les femmes - subissent des mauvais traitements en milieu de travail. Ceci augmente considérablement leur risque d'épuisement professionnel et la prévalence des pensées suicidaires.
7 400 résidents en chirurgie (soit plus de 99 % d’entre eux), exerçant dans les 262 centres spécialisés en chirurgie générale agréés aux États-Unis, ont participé à cette enquête. En 2016, l’étude FIRST (Flexibility in Duty Hour Requirements for Surgical Trainees) avait mis en évidence un épuisement professionnel de plus en plus fréquent chez les résidents en chirurgie lié notamment à des mauvais traitements en milieu de travail. L’étude qui vient d’être publiée voulait analyser ces mauvais traitements et leurs répercussions sur l’épuisement professionnel et les pensées suicidaires.
Elle se base sur une enquête réalisée dans le cadre du programme ABSITE (American Board of Surgery In-Training Examination). Chaque année est proposé aux résidents en chirurgie générale un examen à choix multiples conçu pour mesurer leurs progrès quant à leurs connaissances en sciences appliquées et la gestion des problèmes cliniques liés à la chirurgie. L’ABSITE de 2018 a évalué les mauvais traitements, l'épuisement professionnel (évalué à l'aide du Maslach Burnout Inventory modifié) et les pensées suicidaires durant la dernière année.
« Le plus grand facteur de risque pour le développement de l'épuisement professionnel s'est avéré être la discrimination, l'abus ou le harcèlement. Les mauvais traitements infligés aux résidents semblent être la cause de leur taux d'épuisement professionnel élevé. » a indiqué le professeur Karl Bilimoria, auteur principal.
Plus de 50 % de tous les répondant ont signalé une forme quelconque de mauvais traitement :
Les femmes sont les plus exposées aux maltraitances
L’analyse a montré que les chirurgiens étaient les sources les plus fréquentes de harcèlement sexuel (27,2 %) et de violence (51,9 %). Autre discrimination mise en lumière, celle concernant la grossesse et le temps consacré aux enfants pendant la période de résidence. Elle émane de chirurgiens expérimentés et d’autres internes.
La discrimination sexuelle et raciale est principalement du fait des patients et de leur famille. 43,6 % des répondants évoquent les cas de femme médecin prise pour une infirmière, d’apriori sur leur manque de qualification voire de patients qui exigent d’être vus par un résident masculin. Le harcèlement sexuel décrit consiste dans ce cas en commentaires suggestifs, blagues inappropriées et attouchements.
Pour 47,4 % des répondants la discrimination raciale émane surtout des patients, avec typiquement des refus de consultation pour motif racial, des commentaires racistes, etc.
Ces symptômes de burnout ont été recherchés dans l'enquête :
Des symptômes d'épuisement professionnel ont été signalés par 38,5 % des résidents et 4,5 % ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours de la dernière année (vs. 3,9 % de l’ensemble des résidents et environ 2,5 % de la population générale).
Les résidents qui ont déclaré avoir été exposés à la discrimination, à la violence ou au harcèlement au moins quelques fois par mois étaient plus susceptibles de présenter des symptômes d'épuisement professionnel et des pensées suicidaires.
L’impact sur la qualité du travail est également pointé : « Ce pourcentage d'abus est élevé et peut nuire à la formation de chirurgiens stables sur le plan émotionnel et capables de travailler efficacement. » a déclaré le professeur Bilimoria.
Résultat très éloquent : la proportion de résidents ayant signalé des mauvais traitements variait considérablement selon les lieux (de 0 à 66,7 % pour la violence verbale). 100 centres recevront les résultats de cette première recherche, ainsi que des outils pour s’améliorer. Parmi ces centres, « Certaines écoles qui ont le taux d'épuisement professionnel ou de harcèlement sexuel le plus élevé du pays » a déclaré le Pr Bilimoria. « Espérons que ces données leur permettront de se concentrer sur leurs faiblesses et de s'améliorer réellement. »
Source :
- Hu YY, Ellis RJ, Hewitt DB, Yang AD, Cheung EO, Moskowitz JT, Potts JR 3rd, Buyske J, Hoyt DB, Nasca TR, Bilimoria KY.
Discrimination, Abuse, Harassment, and Burnout in Surgical Residency Training.
N Engl J Med. 2019 Oct 28. doi: 10.1056/NEJMsa1903759.
- General Surgery Residents Who Often Experience Mistreatment During Residency Training are at a Greater Risk of Burnout and Suicidal Thoughts
American Board of Surgery - Oct.28, 2019