6h30 du matin, la salle du staff est pleine à craquer. « Good Morning staff, the night duty was done by … and we admitted five patients. ». C’est ainsi que commencent les longues journées de travail au service de chirurgie. Dès mon arrivée je fus submergé par la quantité de travail. Une demi-douzaine de chirurgiens assurent les soins de 104 patients, organisent des cours quotidiens pour les étudiants et les internes et font de la recherche scientifique.
Après le génocide, le pays s’est retrouvé démunis de médecins qualifiés et l’infrastructure médicale fut détruite. Par conséquent, le nombre de médecins par habitant est parmi les plus bas dans le monde, avec à peine 3000 médecins pour douze millions d’habitants. Et j’ai, dès les premiers jours, observé les différences majeures entre la pratique de la médecine dans un pays riche et un pays pauvre.
Le système médical rwandais soit très américanisé, le cursus médical se fait en anglais depuis que le gouvernement a changé la première langue étrangère du français à l’anglais en 2009, et présente approximativement la même structure que le système étatsunien. Cependant, le manque de ressources matérielles et financières, rend difficile l’application les recommandations scientifiques établies par les sociétés savantes internationales. Par exemple, l’absence de scanner (TDM), technologie médicale de nos jours indispensable constitue un handicap majeur dans le diagnostic et le traitement des maladies médicales et chirurgicales. En oncologie, les nouveaux traitements anticancéreux, protégés par les brevets des pays industrialisés, ont des prix exorbitants et sont inabordables pour les caisses de l’état et encore moins pour les patients.
De plus, on sent le poids de la pauvreté dans le travail quotidien. Face à l’incapacité de l’hôpital à fournir des repas, la plupart des patients sont livrés à eux même et à leurs familles. Dans la majorité des cas, les patients ne reçoivent pas l’apport calorique nécessaire au rétablissement et se voient obligés de séjourner plus longtemps à l’hôpital. On se voit parfois donner des thérapies de seconde ligne ou même inadéquates car le patient ne peut pas se payer les nouveaux médicaments. Ainsi des antibiotiques à large spectre sont donnés au patient à la place des nouvelles générations d’antibiotiques, ce qui contribue à l’émergence du problème majeur de la résistance aux antibiotiques.
Face à ces difficultés, la pratique de la médecine est accablée par un sentiment d’impuissance et de frustration de ne pouvoir offrir le meilleur traitement possible. Mais les solutions résident en dehors du secteur sanitaire et ces constats soutiennent la thèse que la santé des peuples est directement liée au développement économique et social.
Texte : esanum / ab
Photo : ab