Ceci est un communiqué de presse de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM)
Les résultats suggèrent également un sur-risque parmi les abstinents, même si les mécanismes sous-jacents dans chacun des deux groupes sont vraisemblablement différents. Alors que chez les gros consommateurs, les cas d’hospitalisation pour maladie chronique liée à l’alcool ont été associés à un risque de démence quatre fois plus élevé ; chez les abstinents, ce risque n’est qu’1,5 fois plus grand et s’explique en partie par un risque plus important de maladies cardiométaboliques. Ces résultats sont publiés dans le British Medical Journal à partir des données de la cohorte britannique Whitehall II.
Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes atteintes de démence devrait normalement tripler d’ici 2050 et tous les facteurs de risque ne sont pas encore identifiés. C’est pourquoi une équipe de chercheurs de l’Inserm basés en France et au Royaume-Uni a entrepris d’étudier l’association entre la consommation d’alcool dans la force de l’âge (entre 40 et 60 ans) et le risque de développer une démence dans les 23 années qui ont suivi. Ils ont aussi examiné si les maladies cardiométaboliques (groupe de pathologies incluant l’accident vasculaire cérébral, les coronaropathies et le diabète) avaient un quelconque effet sur cette association.
Leur étude révèle que les personnes qui s’abstiennent de boire de l’alcool ou celles qui consomment plus de 14 unités d’alcool par semaine entre quarante et soixante ans présentent un risque accru de développer une démence en vieillissant.
Les résultats qu’ils ont obtenus reposent sur 9 087 fonctionnaires britanniques âgés de 35 à 55 ans en 1985 qui participaient à l’étude Whitehall II, une étude qui examine les conséquences des facteurs sociaux, économiques, biologiques et de mode de vie sur la santé à long terme. À intervalle régulier entre 1985 et 1993, les participants (moyenne d’âge 50 ans) ont fait l’objet d’une évaluation de leur consommation d’alcool et de leur dépendance à l’alcool.
Les admissions à l’hôpital pour maladies chroniques liées à l’alcool et les cas de démence à compter de 1991, ainsi que les maladies cardiométaboliques ont été identifiées à partir des dossiers d’hospitalisation.
Sur les 9 087 participants, 397 cas de démence ont été enregistrés pendant un suivi moyen de 23 ans. L’âge moyen au moment du diagnostic de la démence était de 76 ans.
Après avoir pris en compte les données sociodémographiques, le mode de vie et les facteurs associés à la santé qui auraient pu affecter les résultats, les chercheurs ont découvert que l’abstention ou la consommation de plus de 14 unités d’alcool (112g d’alcool) par semaine étaient associées à un risque supérieur de démence par rapport à la consommation de 1 à 14 unités d’alcool par semaine. Parmi les personnes consommant plus de 14 unités d’alcool par semaine, chaque augmentation de 7 unités d’alcool par semaine consommée était associée à une hausse de 17 % du risque de démence.
Les cas d’hospitalisation pour maladie chronique liée à l’alcool ont quant à eux été associés à un risque de démence quatre fois plus élevé.
Si ces résultats montrent que l’abstention et la consommation excessive d’alcool sont associées à un risque accru de démence, les chercheurs s’accordent à dire que les mécanismes sous-jacents dans chacun des deux groupes sont vraisemblablement différents.
Chez les abstinents, les chercheurs montrent qu’une partie du risque supplémentaire de démence était associé à un risque plus élevé de maladies cardiométaboliques. Toutefois, d’autres facteurs de santé, une consommation d’alcool plus tôt dans la vie, et d’autres caractéristiques sociodémographiques non mesurées pourraient également expliquer le sur-risque de démence observé chez les abstinents.
Pour Séverine Sabia, chercheuse à l’Inserm et principale auteur de ces travaux : “ces résultats obtenus renforcent les données selon lesquelles une consommation excessive d’alcool est un facteur de risque de démence, et que ces résultats incitent à préconiser des seuils plus bas de consommation pour favoriser un meilleur vieillissement cognitif. En aucun cas, les résultats observés chez les abstinents ne doivent encourager les personnes ne buvant pas à commencer à boire de l’alcool car comme le rapporte Santé publique France, la consommation d’alcool est responsable en France de 49000 décès par cancer, cirrhose, psychose et dépendance alcoolique».
En France, les recommandations de santé publique en termes de “risque acceptable” sont de 10 verres par semaine et pas plus de deux verres par jour sur la base qu’un verre en France correspond à 10g d’alcool, soit 100g par semaine. Ces recommandations sont désormais valables indifféremment pour les hommes et les femmes.
Enfin, cette étude est une étude d’observation, il n’est donc pas possible de tirer des conclusions définitives sur une relation de cause à effet.