Document de L’institut des sciences biologiques du CNRS sur son site.
Malgré les nouvelles molécules récemment disponibles, la LLC, la plus fréquente des leucémies de l’adulte, reste une maladie incurable en dehors des quelques cas qui peuvent bénéficier d’une allogreffe de moelle. Dans cette hémopathie caractérisée par l’accumulation de lymphocytes B CD5+ dans le sang, la moelle et les organes hématopoïétiques, la résistance aux drogues reste la cause majeure des échecs thérapeutiques, en particulier pour les patients qui ont un gène TP53 dysfonctionnel. L’objectif de l’étude menée dans le cadre d’un consortium formé par des chercheurs du CNRS, de l’INSERM, des Universités Pierre et Marie Curie et de Montréal, ainsi que des cliniciens du Service d’Hématologie du GH Pitié-Salpêtrière, a été d’identifier les approches potentielles qui permettraient de traiter efficacement les patients atteints de LLC résistante, en utilisant un peptide agoniste du récepteur de surface CD47.
A partir d’échantillons de sang de 80 patients atteints de LLC dont certains avec des formes agressives et rebelles à toute thérapeutique, les chercheurs ont pratiqué in vitro des tests génétiques et moléculaires qui démontrent que le ciblage du CD47 par des peptides dérivés de la thrombospondine-1 peut tuer efficacement les cellules B du clone leucémique. Ceci inclut les formes particulièrement résistantes, dont celles qui ont un dysfonctionnement de TP53, alors que les lymphocytes B normaux résiduels et les lymphocytes T des patients sont préservés. Des études complémentaires ont révélé la cause de la réponse différentielle aux peptides agonistes du CD47 des lymphocytes B sains et des cellules B leucémiques. L’engagement du récepteur CD47 par les peptides agonistes provoque dans les cellules de LLC une activation persistante de la phospholipase C gamma-1 (PLCg1), une protéine qui est retrouvée surexprimée de manière significative dans la LLC. La phosphorylation de la PLCg1 au niveau de la tyrosine 183 entraîne l’activation d’une voie de mort cellulaire indépendante des caspases médiée par le calcium. De plus, en utilisant un modèle de xénogreffe de cellules de LLC sur des souris NOD/scid, les chercheurs démontrent que l’injection de peptides agonistes du CD47 réduit significativement la masse tumorale, sans entrainer de toxicité sanguine, hépatique ou rénale.
En conclusion, les chercheurs ont développé des peptides agonistes du CD47, stables dans le sérum humain, qui entrainent une mort cellulaire programmée caspase-indépendante des cellules de LLC, révélant les mécanismes moléculaires qui sous-tendent ce phénomène, en particulier la surexpression de la protéine PLCg1. Ce travail ouvre des perspectives très encourageantes pour explorer une nouvelle voie thérapeutique capable de juguler les formes les plus résistantes de LLC.
Figure : La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est caractérisée par l’accumulation de lymphocytes B CD19+ et CD5+ dans le sang, la moelle osseuse, et les organes lymphoïdes. A partir d’échantillons de sang de patients atteints de LLC, les chercheurs montrent que la stimulation du récepteur CD47 dans les lymphocytes B de LLC par le peptide agoniste PKHB1 (1) induit la phosphorylation de la phospholipase C gamma-1 (PLC1) au niveau de la tyrosine 783 (2), cette activation provoque une mobilisation du calcium intracellulaire (3) qui entraine la mort de la cellule leucémique indépendamment du dysfonctionnement du gène TP53 ou la présence des facteurs anti-apoptotiques dans le microenvironnement tumoral (4).
© Ana-Carolina Martinez-Torres et Santos A. Susin
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