Trottinettes électriques et accidentologie

La trottinette électrique a fait une entrée remarquée dans nos rues. À Austin, une étude épidémiologique a permis de déterminer les facteurs de risque et l’accidentologie liés à cette pratique en plein essor.

Focus sur une étude américaine qui a analysé l'accidentologie liée à l'usage des trottinettes électriques.

Méthodologie

L’étude réalisée par le Département de santé publique d'Austin (Texas, U.S.A.) et les Centers for diseases control and prevention a porté sur la période du 5 septembre au 30 novembre 2018, soit sur un total de 936 110 trajets en trottinette électrique (plus de 1 400 000 km).

Des entretiens téléphoniques ont été menés auprès des conducteurs blessés, identifiés grâce aux rapports des services médicaux d'urgence du comté d'Austin et à ceux provenant de neuf hôpitaux régionaux. Ces entretiens portaient sur les caractéristiques démographiques des conducteurs, leur expérience de la conduite de ces engins, les types de blessures, et les facteurs situationnels associés à l'accident.   

192 cas ont été retenus :

190 de ces personnes conduisaient la trottinette électrique au moment de l’accident (1 piéton et 1 cycliste figurent parmi les blessés). Parmi les 190 conducteurs, 125 ont décrit l’accident lors d’un entretien téléphonique. Les 65 autres accidents ont été analysés en fonction des éléments indiqués dans les rapports médicaux.

Les victimes : jeunes et inexpérimentées

Si aucun décès n’est à déplorer, 98 % des conducteurs blessés ont été admis aux urgences et 14 % ont dû être hospitalisés. Sur les 190 conducteurs blessés :

33 % des conducteurs interrogés ont été blessés lors de leur première utilisation d’une trottinette électrique. Près de 30 % ne l’avaient utilisé auparavant qu’entre 1 et 9 fois.

Des blessures graves

Sur les 190 conducteurs blessés, 48 % présentaient des blessures à la tête : fractures, plaies, abrasions. 70 % ont subi des blessures aux membres supérieurs, 55 % aux membres inférieurs, 18 % à la poitrine et à l'abdomen.

Près de la moitié des conducteurs blessés (80) ont subi des blessures considérées comme « graves » (d’après les 5 critères de la classification du National Transportation Safety Board’s) :
- fractures osseuses (à l'exclusion des fractures du nez, des doigts et des orteils) : 35 % dont 19 % avaient des fractures multiples.
- lésions nerveuses, tendineuses ou ligamentaires : 45 %
- séjour de plus de 48 heures à l'hôpital : 8 %
- saignement abondant : 5 %
- lésions organiques : 1 %

6 personnes (3 %) ont subi une fracture de la tête. 15 % des conducteurs présentaient des signes de traumatisme crânien : commotions cérébrales, hémorragies sous-arachnoïdiennes ou sous-durales. 1 seul conducteur portait un casque au moment de l’accident.

Les conditions de l’accident

55 % des conducteurs interrogés ont été blessés alors qu’ils circulaient sur la route et 33 % l’ont été sur le trottoir. 8 personnes ont été blessées dans un lieu interdit aux véhicules à moteur, 4 sur une zone de stationnement et 1 dans un parking.

Pour 16 % des accidents, un autre véhicule motorisé était impliqué provoquant une collision (10 %) ou une embardée pour éviter la collision.

10 % des accidents ont été causés par une bordure de trottoir et 7 % par un objet présent sur la voie : poteau d'éclairage, plaque d’égout, etc. 50 % des conducteurs interrogés estiment que des irrégularités du revêtement sont responsables de l’accident : nids-de-poule, fissures, etc.

24 % des accidents se sont produits en descente et 6 % en montée. 39 % des conducteurs ont été blessés entre 18h et 6h du matin (47 % du lundi au vendredi). 

Facteurs de risque

-  29 % des conducteurs interrogés ont indiqué avoir consommé de l’alcool dans les 12 heures précédant l’accident.
- 37 % ont déclaré que la vitesse excessive du scooter avait contribué à leur blessure.
- 19 % estiment que le scooter a mal fonctionné (freins, roues, etc.).
- Une personne a été blessée parce qu'elle téléphonait tout en conduisant la trottinette.
- 6 personnes ont déclaré qu’elles écoutaient de la musique lors de l'accident. 

À noter que parmi tous les conducteurs blessés interrogés, seuls 38 % ont indiqué qu'ils utiliseraient de nouveau un scooter. 

Limites de l’étude

Cette étude sous-estime probablement la prévalence des blessures liées aux trottinettes électriques car les blessés traités directement dans des centres de soins d'urgence ou en cabinet médical n’ont pas été comptabilisés.

Par ailleurs, il est fort probable que certains dossiers mal renseignés n’aient pas été retenus lors des requêtes par mots-clés dans les services d’urgences.

 Enfin, les entretiens s’étant déroulés à distance des accidents (parfois plusieurs mois), les souvenirs sur les conditions de l’accident peuvent avoir été imprécis. Enfin, il est possible que les personnes ayant accepté d'être interviewées ont fourni des réponses qui diffèrent des cas retracés par un examen des dossiers.   

Conclusions

63 % des coureurs blessés avaient utilisé une trottinette électrique moins de 9 fois avant leur accident. Bien que la plupart (60 %) des conducteurs de cette étude aient reçu une formation sur l'utilisation de l’engin via l’application de l’opérateur, une formation supplémentaire semble nécessaire. 

 Au vu des résultats de cette étude, le Département de santé publique d'Austin a par ailleurs proposé de mettre en place un suivi systématique des blessures liées aux nouveaux modes de transport : monoroues, hoverboards, gyropodes, trottinettes électriques. Il suggère aussi d’accroître les messages de prévention sur le port du casque et le respect des vitesses préconisées, à destination notamment des 18-29 ans.

Source :
Dockless Electric scooter-related injuries study - Austin Public Health - September-November 2018
https://www.austintexas.gov/sites/default/files/files/Health/Epidemiology/APH_Dockless_Electric_Scooter_Study_5-2-19.pdf