Les approches thérapeutiques complémentaires, dont certaines utilisant des préparations à base de plantes, sont utilisées par un grand nombre de patients en oncologie, parallèlement au traitement anti-tumoral (en Europe, de 15 à 73 % d’entre eux). En Suisse, lieu de l’étude, deux études ont montré que 26.5 % et 39 % des patients concernés les utilisent.
Problème : les médecins traitants ne savent souvent rien de ces « automédications » de leurs patients. Certaines préparations risquent-elles d’interagir avec le traitement principal qui cible la tumeur ?
Une étude d’observation menée en Suisse s’est récemment penchée sur les effets de ces approches médicales complémentaires sur le traitement anti-tumoral, auprès de patients suivis en ambulatoire dans un hôpital universitaire. Elle visait à évaluer les risques d’interactions et effets secondaires mais aussi à comprendre de quelle manière les patients évoquent leur recours aux produits naturels devant leur médecin et les autres soignants.
Au total, 132 participants ont été interrogés sur leur utilisation de préparations et de méthodes issues de médecines complémentaires. Les auteurs de l’étude ont ensuite « testé » les produits fréquemment utilisés, à l’aide de 75 publications, pour déterminer s'ils pouvaient entraîner des effets secondaires indésirables.
Les approches complémentaires ont été utilisées dans environ un tiers des cas afin de réduire les effets indésirables liés aux traitements anticancéreux (32 %). Pour 21 % des patients il s’agissait d’améliorer leurs défenses immunitaires, et pour 15 % de traiter le cancer.
Dans cette enquête, 72 % des patients utilisant des naturels considèrent qu’ils sont efficaces, 70 % qu’ils sont dépourvus d’effets secondaires et 77 % qu’ils ne peuvent pas interférer avec leur traitement anti-tumoral. 55 % de ces patients considèrent même que ces produits naturels peuvent renforcer l’efficacité de leur traitement. À noter que seuls 42 % d’entre eux se disent suffisamment informés sur les éventuels risques liés à l’utilisation d’une approche complémentaire.
Les résultats de cette enquête ont montré que 56 % des patients avaient eu recours à des méthodes complémentaires depuis le diagnostic, et 45 % d’entre les utilisaient au moment de l’enquête, parallèlement au traitement anti-tumoral. Les patients ont principalement utilisé le thé vert (35 %), des tisanes (35 %), l’homéopathie (27 %), les compléments alimentaires (27 %) et les plantes médicinales (27 %).
113 patients (86 %) ont déclaré que leur oncologue ne leur avait pas demandé s’ils utilisaient actuellement des thérapeutiques complémentaires. Idem avec le personnel infirmier, qui dans 90 % des cas n’a pas abordé ce sujet.
Il est également intéressant de noter que seulement un peu plus de la moitié des patients ayant recours aux médecines complémentaires (58 % soit 35 personnes) en ont informé leur oncologue, ce dernier les ayant encouragés à continuer dans 63 % des cas. Dans un seul cas, le praticien a demandé au patient de cesser de consommer du thé vert et des extraits de bourrache. Parmi ceux qui n’ont pas évoqué ce sujet avec leur oncologue, la moitié considère que cela n’est pas important et ne les regarde pas.
Les thérapeutiques complémentaires pendant un traitement anti-tumoral sont très populaires chez les patients, qui les considèrent généralement comme utiles et sans risques car à base principalement de produits naturels.
Or des interactions médicamenteuses ou effets secondaires ne sont pas à exclure, ceux-ci pouvant être confondus avec ceux du traitement anti-cancéreux. Il peut notamment s’agir de réactions allergiques ou troubles digestifs. Dans la littérature, on retrouve des cas d’effets secondaires graves : hépatotoxicité, neurotoxicité ou néphrotoxicité. Quant aux interactions, il peut s’agir d’une potentialisation pharmacocinétique ou pharmacodynamique, ou une diminution de l’efficacité.
La présente étude a montré que, concernant les 42 associations entre ces produits et les médicaments anti-tumoraux rapportées par les patients :
Même si le potentiel d’interaction et les effets secondaires prévisibles semblent faibles, les oncologues devraient toujours demander régulièrement à leurs patients s’ils ont recours à des approches complémentaires dont des produits naturels.
Quelle que soit l’opinion personnelle du praticien par rapport à ces produits, il devrait provoquer la discussion, de manière ouverte, avec les personnes concernées.
Source :
Jermini M et al., Scientific Reports 2019; 9:5078;
https://doi.org/10.1038/s41598-019-41532