La télémédecine, solution-miracle contre les « déserts » médicaux ? C’est l’un des espoirs qu’elle suscite et l’un des arguments de l’exécutif qui promet d’accélérer le développement de l’e-santé en France. L’une de ses branches, la télémédecine, recouvre des pratiques variées : détection de maladies grâce à des photos, alertes en cas d’affections cardio-vasculaires, avis d’experts situés à plusieurs centaines de kilomètres mais aussi accès à un dossier médical en ligne ou prescriptions dématérialisées…
Pour la première fois et après des expérimentations, le budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2018 art. 54) a généralisé le remboursement d’actes de télémédecine sur tout le territoire. Reste à en déterminer les modalités. Ce sera l’objet des négociations qui débutent le 18 janvier entre les syndicats de médecins et les responsables de l’Assurance maladie.
Jusqu’ici, deux modes de rémunération ont été testés. Le premier les regroupe dans un forfait (par exemple 110 euros par trimestre pour le suivi d’une insuffisance cardiaque). Le second correspond à un paiement à l’acte. Des modes hybrides ainsi que le partage d’honoraires entre plusieurs praticiens sont aussi évoqués.
Ces débats interviennent après la publication en septembre d’un sévère rapport de la Cour des comptes qui tacle le retard français en matière d’e-santé. Un comble pour le pays où fut accomplie en 2001 la prouesse de l’opération « Lindbergh » : un acte chirurgical réalisé depuis New York sur une patiente située à Strasbourg. Près de vingt ans plus tard, la France ne fait même pas partie des 125 pays figurant dans la dernière enquête de l’OMS sur la « cybersanté » sur l’adoption à grande échelle de la télémédecine.
Cette l’enquête fait état de fortes disparités en réglementaires et stratégiques. Partout, l’un des principaux enjeux reste financier. Outre des problématiques d’équipement se posent celles de la rémunération des actes « télémédicaux ». A chaque système de santé ses réflexions. Aux Etats-Unis, les débats parlementaires sur le programme Obamacare ont fait passer la question au second plan, mais projets privés et innovations continuent de se multiplier. La FDA a même approuvé en novembre la mise sur le marché d’une pilule dite « connectée » permettant la surveillance à distance de son absorption régulière par les patients. Ce qui n’est pas sans soulever des dilemmes éthiques.
Ailleurs, les pays d’Europe du Nord sont souvent présentés comme des modèles en matière de télémédecine. C’est le cas de la Norvège où elle sert depuis vingt-cinq ans dans les zones de l’Arctique à très faible densité de population. Le pays passe désormais à la numérisation des prescriptions.
Dans ce cas, l’enjeu concerne aussi la sécurisation des données. L’Estonie, pays pionnier qui fut l’un des premiers à adopter le dossier médical dématérialisé, vante le procédé des « blockchains », outils de cryptage également utilisés pour protéger des cryptomonnaies comme le Bitcoin.
Quelle que soit la technologie de sécurisation employée, encore faut-il que tout le monde puisse accéder à ces services. Ce qui est encore loin d’être le cas partout, même dans l’Hexagone. Plus de 500 villages français sont ainsi situés dans des zones dites « blanches » où l’accès aux réseaux mobiles et internet est limités (les opérateurs viennent de signer un accord pour y remédier). Or, c’est justement sans ces zones moins bien loties que la télémédecine est appelée à pallier le manque d’infrastructures de santé.