Jusque là, on suggérait l’effet nocif du tabac sur la muqueuse gastrique par des données statistiques épidémiologiques et des constatations anatomopathologiques. Cette fois, les chercheurs sont parvenus à déterminer quelques éléments hormonaux favorisant l’irritation, l’hémorragie et la nécrose gastrique suite à l’exposition à la nicotine dans des populations de rats.Ce serait donc ici la nicotine qui causerait des dommages histo- et physiopathologiques sur la muqueuse gastrique et donc les ulcères.
L’équipe de chercheurs, en administrant de la nicotine sous différentes formes à 3 groupes différents de rats (orale, inhalation, injection péritonéale) et en comparaison à un groupe témoin a pu observer des lésions hyperhémiques, inflammatoires et ulcérantes de la muqueuse gastrique (particulièrement lorsque la nicotine était administrée per os ou inhalée), ainsi que des modifications hormonales. En effet, les taux de gastrine, de ghréline et d’histamine se sont vus augmenter dans le sérum et la muqueuse, tandis que le taux de prostaglandines E2 (PGE2) a diminué.
La gastrine sécrétée par les cellules G de l’estomac subit un processus de “up-regulation” ; c’est ensuite elle qui va enclencher les mécanismes de production et de libération de l’histamine, toujours au niveau gastrique. Puis, l’histamine va permettre la production d’acide chlorhydrique par les cellules pariétales en se fixant à ses récepteurs H2. L’acide chlorhydrique permet de créer un pH acide pour la digestion, mais en trop forte concentration, cela devient nocif à la muqueuse et favorise les ulcères. Aussi, l’histamine augmente entre autres la perméabilité de la muqueuse gastrique, la rendant moins résistante à l’acidité.
Ensuite, les PGE2, elles, ont un rôle normalement cytoprotecteur sur la muqueuse gastrique par différents mécanismes dont l’augmentation des cellules épithéliales muqueuses produisant des bicarbonates (bases), balançant le pH.
La ghréline quant à elle reste sujette à de nombreux questionnement à propos de sa libération et ses impacts. Son augmentation retrouvée ici dans la circulation serait, selon une étude antérieure, soit causée directement par la nicotine, soit indirectement par l’augmentation de sécrétion de gastrine. Hormis son rôle dans la motilité gastro-intestinale, elle serait également un facteur de protection contre les lésions ulcéreuses gastriques, quelles que soient leur origine, par différents mécanismes (sécrétion d’oxide nitrique et de neurotransmetteurs sur les fibres afférentes sensorielles par exemple). Cependant, une autre étude récente a montré l’implication de la ghréline dans la cancérogenèse dans des cellules de carcinome multiple malin où la ghréline était surexprimée.
Les mécanismes moléculaires engendrés par la libération de ghréline doivent alors être étudiés plus en détails et promettent des découvertes passionnantes !
En conclusion de cette étude, si les retentissements de la nicotine sur les humains sont similaires à ceux observés chez les rats au niveau hormonal, on pourrait envisager une prévention des ulcères gastriques chez les fumeurs par des substances actives inhibant la gastrine… ce qui resterait encore une fois discutable à cause des effets secondaires au long terme !
Texte : esanum / pg