L'étude1 - randomisée, à double insu et contrôlée contre placebo - présentée à l’UEG Week de Barcelone portait sur une vaste cohorte de patients atteints de divers sous-types du syndrome du côlon irritable (SCI). Elle a souligné l'importance de la sélection des donneurs pour optimiser l'efficacité de la TMF comme traitement du SCI.
Le professeur Magdy El-Salhy de l'hôpital universitaire Haukeland de Bergen (Norvège), chercheur principal, a expliqué : « On pense que la dysbiose microbienne joue un rôle important dans la physiopathologie du SCI 2, mais des études antérieures portant sur la TMF dans ce contexte ont donné des résultats contradictoires 3,4. »
« Nous avons voulu optimiser les chances de réussite de ce traitement en sélectionnant un donneur unique, strictement défini *, répondant aux directives européennes pour les donneurs de TMF et ayant un profil fécal microbien favorable. »
L'étude a randomisé 164 personnes présentant un SCI et des symptômes modérés à sévères du SCI (Irritable Bowel Syndrome Severity Scoring System [IBS-SSS] ≥175) afin de recevoir soit un placebo (une solution contenant leurs propres selles), soit 30 g d’une solution de transplantation issue d’un donneur, soit 60 g de cette solution.
Contrairement aux études précédentes, le matériel de transplantation avait été conservé congelé (-80 °C/-112 °F) et administré après décongélation dans le duodénum proximal par gastroscope, ce qui permettait d'éviter une préparation intestinale avant la transplantation et de faciliter sa réalisation.
Le principal critère d'efficacité de l'étude était le pourcentage de patients ayant obtenu une réduction de ≥ 50 points de l’IBS-SSS à 3 mois après la TMF.
Selon le professeur El-Salhy, une réponse au traitement par TMF a été observée chez 23,6 % des personnes ayant reçu un placebo, 76,9 % des personnes ayant reçu une greffe de 30 g et 89,1 % des personnes ayant reçu une greffe de 60 g.
Une amélioration significative des symptômes a été observée (réduction ≥ 175 points de l’IBS-SSS) : respectivement réduction de 5,5 %, de 35,2 % et de 47,3 % pour les patients des groupes placebo, TMF de 30 g et TMF de 60 g. Des améliorations significatives de la fatigue (échelle d'évaluation Fatigue Assessment Scale) et de la qualité de vie (IBS-Quality of Life instrument) ont également été observées dans les groupes TMF comparativement au groupe placebo.
Une analyse des profils bactériens fécaux a montré des modifications de la quantité de différentes bactéries dans les deux groupes de TMF, mais pas dans le groupe témoin.
« Les événements indésirables survenus après la TMF se sont produits chez environ 20 % des patients et ont été légers et se sont limités à des symptômes gastro-intestinaux tels que des douleurs abdominales, diarrhées ou constipations » a déclaré le professeur El-Salhy. « Ils se sont produits de façon intermittente dans les 2 premiers jours suivant la TMF. »
Pour le professeur El-Salhy et ses collègues, cette étude confirme que la TMF est un traitement efficace pour le SCI, mais ils soulignent l'importance d'utiliser un « super-donneur » pour assurer le succès du traitement.
« Nous avons eu de la chance lorsque nous avons trouvé notre donneur après avoir présélectionné plusieurs autres candidats. Nous espérons que les critères de sélection que nous avons utilisés aideront d'autres groupes à trouver des personnes semblables » a souligné le professeur El-Salhy. « L'utilisation de fèces congelées permet d'éliminer les problèmes logistiques liés à l'utilisation de fèces fraîches, ce qui permet d'établir des biobanques et d’utiliser la TMF dans la pratique courante ».
* Le « super-donneur » était un athlète caucasien de 36 ans. Il était en bonne santé, non-fumeur, avec un IMC normal, et s'entraînait cinq fois par semaine. Il est né par voie naturelle et a été nourri au sein. Il ne prenait pas de médicaments réguliers, n'avait reçu que trois doses d'antibiotiques au cours de sa vie et prenait régulièrement des suppléments alimentaires riches en protéines, vitamines, fibres et minéraux.
Le Professeur Magdy El-Salhy est Professeur de gastroentérologie et d'hépatologie à l'Université de Bergen, et gastroentérologue à l'Hôpital Stord, Norvège.
Références :
1. El-Salhy M, Haltebakk JG, Gilja OH, et al. Effects of faecal microbiota transplantation in patients with irritable bowel syndrome (IBS): a randomised, double-blind placebo-controlled study. Presented at UEG Week October 21, 2019.
2. Enck P, Mazurak N. Dysbiosis in functional bowel disorders. Ann Nutr Metab. 2018;72(4):296-306.
3. Johnsen PH, Hilpusch F, Cavanagh JP, et al. Faecal microbiota transplantation versus placebo for moderate-to-severe irritable bowel syndrome: a double-blind, randomised, placebo-controlled, parallel-group, single-centre trial. Lancet Gastroenterol Hepatol. 2018;3(1): 17-24.
4. Halkjaer SI, Christensen AH, Lo BZS, et al. Faecal microbiota transplantation alters gut microbiota in patients with irritable bowel syndrome: results from a randomised, double-blind placebo-controlled study. Gut. 2018;67(12):2107-15.