Contexte
Les effets de la PAE comprennent déficits cognitifs et comportementaux, altérations de la réponse au stress et du système immunitaire et vulnérabilité accrue aux troubles mentaux, avec un degré d’altération variable selon plusieurs facteurs dont l’environnement génétique. La méthylation de l’ADN est une modification épigénétique dynamique, impactant l’expression de gènes impliqués dans des processus clés du développement embryonnaire. Des modifications de méthylation d’ADN ont été observées dans le cerveau de modèles murins de PAE et dans des cellules buccales (cellules BEC) d’enfants présentant un FASD.
Un article du journal Epigenetics & Chromatin (DOI: 10.1186/s13072-016-0074-4) présente les résultats d’une étude portant sur les différences de profil de méthylation de l’ADN extrait de cellules BEC de 206 enfants (110 FASD et 96 contrôles appariés selon l’âge et le sexe), recrutés dans différents centres de dépistage de FASD au Canada.
Résultats
L’analyse de méthylation de l’ADN de cellules BEC a révélé 658 sites différentiellement méthylés (DM) entre les FASD et les contrôles (356 sites sous-méthylés et 302 sites sur-méthylés). Le degré de variation des niveaux de méthylation est relativement faible, allant de 0.16 à 13.1%. Cependant, 41 sites DM passent le seuil arbitraire de 5% de variation, suggérant une pertinence biologique.
Les données publiques d’expression génique dans le cerveau révèlent que 56% des gènes DM identifiés dans les cellules BEC y ont un niveau d’expression supérieur à la moyenne. La comparaison entre profils de méthylation d’ADN des cellules BEC et d’échantillons de cortex cérébral montre un facteur de corrélation élevé égal à 0.76.
L’environnement génétique est déterminant pour l’effet de la méthylation de l’ADN sur l’expression génique. Les sites DM chez les enfants FASD sont principalement situés dans des régions plus variables de l’ADN, en extérieur des ilôts CpG (régions “shores” et “shelves” pour les sites sous-méthylés, p=0.04 et 0.003) ou dans des régions sans îlots CpG (sites sur-méthylés, p=0.009).
L’annotation des sites DM révèle 403 gènes différents, dont aucun n’appartient à la liste des gènes candidats de susceptibilité au FASD de la base de données Phenocarta. Sur les 123 gènes de cette liste, 115 ont été analysés dans cette étude et aucun ne montre de différence de méthylation entre les cas FASD et les contrôles. Cependant, cette étude a mis en évidence 12 gènes avec au moins trois sites DM, parmi lesquels se trouvent des gènes impliqués dans des études d’exposition à l’alcool, ainsi qu’un léger enrichissement en gènes soumis à empreinte génétique (expression différente selon l’origine parentale du gène, essentiellement des gènes impliqués dans le développement). Une différence de méthylation est ici montrée pour 5 gènes connus pour être soumis à l’empreinte génétique (ATP10A, CPA4, H19, KCNQ1OT1 et SLC22A18). Enfin, 15 des sites DM identifiés sont situés dans des gènes de protocadherines (protéines de liaison impliquées dans divers processus du neurodéveloppement). L’annotation fonctionnelle des gènes sur-méthylés a révélé un enrichissement de gènes associés aux processus du neuro-développement et de gènes impliqués dans différents troubles neurologiques du développement (épilepsie, autisme et anxiété).
Conclusions
L’exposition foetale à l’alcool est la principale cause de handicap développemental dans les pays développés. Cette étude est la première analyse pangénomique comparative de méthylation de l’ADN chez des enfants atteints du syndrome d’alcoolisation fœtale. Un faible nombre de sites différentiellement méthylés ont été mis en évidence (658 sur plus de 450,000 sites analysés) mais avec une très grande fiabilité. Les degrés de variation de méthylation sont plutôt faibles, réduisant à 41 le nombre de sites différentiellement méthylés avec potentiel effet biologique. Ces données suggèrent des effets subtils de la PAE sur l’épigénome.
Les comparaisons bio-informatiques confirment que ces résultats obtenus sur tissu périphérique (cellules épithéliales de la joue) reflètent assez bien un tissu central comme le cerveau. Enfin, les modifications de méthylation observées impliquent des gènes déjà en relation avec la PAE et des altérations développementales, et mettent en évidence un effet particulier sur les fonctions de processus neuronal et de troubles du développement neuronal. Ces données fournissent une base de réflexion sur les mécanismes moléculaires en jeu dans les effets de la PAE chez les enfants, et permettent une prise en considération du rôle probable de la méthylation de l’ADN dans l’étiologie du syndrome d’alcoolisation fœtale.
Texte : jd / esanum
Photo : designer491 / Shutterstock
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