Suicide d'un patient : quel impact sur le médecin généraliste ?

Le suicide d'un patient ébranle le médecin généraliste. Culpabilité, modification de la pratique... Une étude en cours veut préciser les impacts d'un tél évènement, pour rendre la postvention plus efficace.



Parmi les personnes qui se sont suicidées, une sur deux avait consulté son médecin généraliste dans le mois précédant le passage à l’acte. Que savons-nous de l’impact d’un tel événement sur la vie personnelle du médecin ? Sa manière de prendre en charge les patients suicidaires est-elle ensuite modifiée ? Une enquête en cours menée par l’équipe du Dr Leaune, au CH du Vinatier, collecte des données quantitatives sur un thème jusqu’alors peu exploré.        

«Cette étude est la suite logique de nos travaux précédents, dans lesquels nous avons analysé l’impact du suicide d’un patient sur les internes en psychiatrie puis sur les psychiatres eux-mêmes» explique Edouard Leaune. Les résultats de ces travaux sont clairs : un tel acte laisse des traces durables sur le professionnel, influe sur sa pratique voire le pousse à changer d’orientation. Qu’en est-il pour les généralistes ? Les données manquent car les études déjà réalisées sur ce thème étaient essentiellement qualitatives. 


Culpabilité et modification de la pratique

Une première zone d'ombre concerne l’exposition du médecin généraliste au ressenti douloureux ou à la culpabilité. Ce risque semble majoré par le type de prise en charge – globale et au long cours – en médecine générale. Mais, a contrario, «on peut faire l’hypothèse que le généraliste se sentira moins directement impliqué qu’un psychiatre car "non spécialiste" de la souffrance psychique» soulève le Dr Leaune.

Autre ambivalence explorée dans cette enquête, l’influence du suicide d’un patient sur la pratique de son médecin. Ce dernier devient parfois plus vigilant, traquant les signes avant-coureurs d’un passage à l’acte ou déclenchant sans tarder une hospitalisation préventive. Mais le médecin peut aussi perdre confiance en lui et devenir réticent à suivre les patients atteints de troubles psychiques.  

Le questionnaire passe aussi au crible les conséquences de ce type d'événement sur la vie personnelle du médecin. À commencer par la culpabilité. Suite au suicide de son patient, le médecin se sent-il responsable ? Quel est l’impact d’une éventuelle enquête administrative ou de police ? S’est-il senti jugé par ses pairs ou bien par l’entourage du patient ? Sans nécessairement mettre en cause la responsabilité du médecin, certains proches endeuillés, eux-mêmes patients, semblent avoir du mal à retourner le voir. Au-delà de la culpabilité, ce sont tous les signes d'une souffrance post-traumatique qui sont recherchés dans l'enquête. 



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Enfin, le mode d’exercice est étudié de près. L’isolement du médecin ou son lieu d’implantation peuvent par exemple accroître ses difficultés. En zones rurales, l’implication des médecins généralistes dans la chaîne de secours majore la probabilité qu’ils soient confrontés à la vue des cadavres des suicidés.


Les outils de la postvention 

La multiplication de telles études n’est pas un hasard. L’approche scientifique du suicide, ou «suicidologie», mobilise à la fois la psychologie et la sociologie. L’approche du phénomène évolue ainsi que les modalités de prise en charge. Désormais, la question du suicide s’articule plus étroitement avec les soins psychiatriques. L’importance de la «postvention» est mise en avant et conduit à multiplier les actions envers toute personne exposée à un suicide.   

Les travaux précédents de l’équipe du Dr Leaune ont abouti à la mise en place d’un outil d’intervention au sein du CH du Vinatier. Le but est de fournir un soutien immédiat à tous les soignants impactés par le suicide d’un patient. Le dispositif pourrait s’ouvrir aux médecins généralistes. Depuis octobre 2021, le CH coordonne aussi l’accès au numéro national 3114 sur la zone de Lyon. «Dans ce cadre, nous avons déjà traité plusieurs appels de médecins confrontés à des suicides» précise Édouard Leaune. Autre réponse concrète préparée par le CH du Vinatier, la plateforme web Espoir accueillera dès la fin de l’année l’ensemble des personnes endeuillées par un suicide. Un accès spécifique pour les professionnels de santé est prévu. 

Enfin, le dispositif national VigilanS pourrait aussi s’avérer un intermédiaire précieux. S’il vise à maintenir le contact avec les patients hospitalisés suite à une tentative de suicide, VigilanS prévoit également que leur médecin généraliste soit informé. «Parfois ils l'apprennent par nous» précise le Dr Laune. Ce pourrait donc être un moyen de rester en lien, aussi, avec le médecin.      


Étoffer la formation

«Lorsqu’on s’est rendus compte que pendant ses études un interne sur deux est confronté à un suicide, nous avons compris que la formation était un point clé» explique le Dr Leaune. Une autre étude en cours s'attache à évaluer le niveau de formation de l’ensemble des médecins sur ce thème. Les conclusions provisoires montrent une grande hétérogénéité selon les facultés et, globalement, une formation très insuffisante. À quand la création d’un module spécifique pendant le cursus des futur(e)s médecins généralistes ? 

 
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(durée : 5 à 10 minutes)   
 

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