Photoactivation de la riboflavine en thérapie du cancer du sein

La riboflavine (Rf, ou vitamine B2) est la principale source biochimique de flavine, indispensable au métabolisme cellulaire. Dans des situations pathologiques comme la cancérogenèse, le métabolisme de la Rf et son absorption sont sur-régulées. Contexte Le cas particulier du cancer du sein révèle une accumulation spécifique de riboflavine dans l

La riboflavine (Rf, ou vitamine B2) est la principale source biochimique de flavine, indispensable au métabolisme cellulaire. Dans des situations pathologiques comme la cancérogenèse, le métabolisme de la Rf et son absorption sont sur-régulées.

Contexte

Le cas particulier du cancer du sein révèle une accumulation spécifique de riboflavine dans les cellules tumorales. Les flavines sont photo-réduisibles, elles sont activées sous une excitation lumineuse dans la gamme de l’ultraviolet-bleu (UV-bleu), induisant la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS). Les flavoprotéines peuvent être couplées avec des anticorps spécifiques dans le cadre de thérapies photodynamiques (TPD). La phototoxicité de la Rf permet également d’arrêter la croissance tumorale, en la plaçant comme une molécule de choix pour le développement de TDP envers le cancer du sein. La profondeur de photoactivation de la Rf est cependant très faible. La conversion ascendante de photons du proche infrarouge (PIR, beaucoup plus pénétrant) en photons UV permet l’activation profonde de molécules pour TDP, mais l’efficacité de conversion dans l’UV-bleu est très faible.

Etude et méthodes

Une récente étude présente le développement de nanoparticules de conversion ascendante (UCNP) permettant d’atteindre des taux de conversion élevés dans l’UV-bleu, à l’origine d’une phototoxicité profonde de la riboflavine dans un modèle de xénogreffe de cellules de cancer du sein humain (DOI: 10.1038/srep35103). La toxicité de la Rf a été évaluée sur cellules SK-BR-3 (adénocarcinome du sein humain) et cellules CHO (contrôle). Les nanoparticules de conversion ascendante (structure β-NaYF4:Yb3+Tm3+/NaYF4) ont été synthétisées par un procédé chimique complexe. Une greffe de cellules SK-BR-3 a été réalisée sur souris et le volume tumoral a été évalué avant et après thérapie par UCNP et Rf et irradiation PIR.

Résultats

Des cellules SK-BR-3 et CHO, pré-traitées à la Rf, ont été exposées à une source UV (λ=365nm). Les cellules tumorales révèlent une absorption de Rf accrue (3 fois supérieure aux cellules contrôle) et une viabilité diminuée de 47% (Rf à 30µM), traduite par l’observation de ruptures membranaires et une activité apoptotique accrue (Caspase-3 2 fois plus active). Les cellules contrôles restent intactes et entièrement viables.

L’efficacité de conversion des UCNP vers l’UV-bleu suite à une excitation à 975 nm est de 2.0%, ce qui représente une efficacité très élevée par rapport à la littérature existante.
L’inoculation de cellules SK-BR-3 à des souris immunodéficientes, suivie d’injections du couple UCNP+Rf dans l’environnement tumoral et d’une irradiation à 975 nm résulte en une inhibition de 90±5 % de la croissance tumorale 50 jours après le traitement. Une analyse histologique 24h après le traitement révèle une très forte diminution de la densité cellulaire et des modification patho-morphologiques dans la matrice tumorale. L’efficacité du traitement TDP est estimée sur une profondeur de 4 à 6 mm.

Conclusions

La riboflavine (vitamine B2) a le potentiel d’être sélectivement photo-activée, et révèle une toxicité anti-tumorale sur un modèle cellulaire humain d’adénocarcinome du sein ainsi qu’un effet tumoricide sur une xénogreffe de ces cellules chez un modèle murin immunodéficient. Pour cela, un nouveau modèle de nanoparticules de conversion ascendante a été conçu avec succès, permettant une profondeur d’activation de la Rf jusqu’à 6 mm, grâce à un taux de conversion en photons UV-bleu de l’ordre de 2%. Un tel développement technique est important pour le développement des thérapies photodynamiques, comme complément ou alternative aux thérapies anti-tumorales existantes. L’excitation à 975 nm pose toutefois un problème d’échauffement des tissus (forte absorbance des photons de cette longueur d’onde par l’eau), et des alternatives d’excitation à 800 nm seraient à considérer. Enfin, il conviendrait de tester cette méthodologie sur de réels échantillons de tumeur humaine.

Texte : esanum / jd
Photo : Maxx-Studio / Shutterstock