Contexte
Chez les personnes obèses, le risque de développer une complication d’ordre métabolique dépend du degré d’obésité, mais est aussi très variable d’un individu à l’autre. Ainsi, des patients très obèses peuvent être métaboliquement sains (MHO), et d’autres métaboliquement délétères (MUO). Un comportement diététique sain est primordial pour réduire la mortalité et morbidité associées à l’obésité. Bien que d’un grand intérêt, peu d’études rapportent les effets de facteurs diététiques sur le risque de mortalité/morbidité selon le phénotype MHO/MUO.
Étude et méthodes
Une étude en cours de publication dans le International Journal of Obesity (DOI: 10.1038/ijo.2016.114) s’est intéressée aux effets d’un régime méditerranéen sur le risque de mortalité de patients MHO et MUO. Les données de 1739 participants de l’enquête NHANES III (santé et nutrition aux États-Unis, 1988-1994) ont été analysées, avec un suivi de mortalité jusqu’à fin 2011. L’apport alimentaire est évalué par un questionnaire de fréquences alimentaires et rappels nutritionnels de 24 heures, et le suivi d’un régime méditerranéen par un score de régime méditerranéen (MDS). La bonne santé métabolique est évaluée par l’IMC, la pression sanguine, le glucose, l’insuline, le (bon) cholestérol de haute densité, les triglycérides, et la protéine c-réactive ultra sensible. Sont considérés en bonne santé métabolique les individus montrant moins de 2 anomalies cardiométaboliques.
Résultats
Le phénotype MHO est observé chez 34.8% des individus obèses étudiés. De manière globale, les individus MHO par rapports aux MUO sont plus jeunes (40.7 vs. 47.2 ans), plus de femmes (66.8 vs. 50.1%), et plutôt non fumeurs (55.1 vs 42.4% d’individus n’ayant jamais fumé). Chez les deux populations, l’augmentation du score MDS est dictée par une fréquence de consommation plus élevée en céréales, légumineuses, fruits, légumes et poisson, concomitante à une diminution de fréquence de consommation de viandes rouges et de produits laitiers. Si les consommations de volaille et d’alcool sont plus élevés chez les MUO présentant un meilleur score MDS, les MHO consomment globalement moins de viandes rouges (p=0.001) et de produits laitiers (p=0.02), et montrent un ratio acides gras mono-insaturés/acides gras saturés plus élevé (p=0.03) que les MUO.
Le suivi des participants révèle 12.8% et 27.0% de mortalité chez les MHO et MUO respectivement, représentant un facteur de risque HR=1.50 pour la mortalité toute cause, HR=2.50 pour la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires, et HR=1.27 pour la mortalité par cancer. Aucune association n’a été montrée entre score MDS et ces trois mortalités chez les MHO comme MUO. Chez les MHO, un incrément de 5 points dans le score MDS est associé à une réduction du risque de mortalité toute cause (HR=0.59), ce qui n’est pas observé chez les MUO. En particulier chez les MHO, les hommes et les individus répondant aux recommandations d’activité physique présentent une réduction de risque plus importante (p=0.002 et 0.008, respectivement).
La réduction de risque par incrément de 5 points est similaire chez les MHO présentant ou non des maladies chroniques fréquentes (HR=0.50 et 0.56, respectivement). Enfin, la réponse aux recommandations d’activité physique est associée à un risque accru de mortalité chez les MUO, tandis que le non-suivi des recommandations est associé à un risque moindre (p=0.003).
Conclusions
Cette étude prospective est la première a évaluer un bénéfice différent d’un régime méditerranéen chez des personnes obèses métaboliquement saines ou délétères aux États-Unis. Les individus MHO présentent ainsi un risque de mortalité amoindri grâce au suivi d’un tel régime alimentaire. De plus, les bénéfices sont accrus pour ceux suivant les recommandations d’activité physique, montrant un effet synergique de différents styles de vie saine. Les résultats de cette étude montrent que les individus MUO ne répondent pas favorablement au régime méditerranéen, ce qui peut s’expliquer par une condition métabolique déjà trop affaiblie. Il est intéressant de noter l’effet délétère du suivi des recommandations physiques chez ces individus, suggérant qu’un style de vie sain en particulier n’est pas à même de contrer le mauvais pronostique lié au phénotype MUO. Pour ces individus, la priorité semblerait être de suivre des programmes intensifs de perte de poids en même temps qu’adopter un régime alimentaire sain.
Texte : jd / esanum
Photo : Timolina / Shutterstock
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