Marc et Samia Larère ont été convoqués devant la justice, en premier lieu pour « soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé de son enfant », fait requalifié en « refus de se soumettre à l’obligation vaccinale », un délit inscrit dans le Code de la santé publique et puni et six mois d’emprisonnement et 3750 euros d’amende au maximum.
« On nous condamne pour quelque chose d’irréalisable » a réagit M. Larère. Il dénonçait l’indisponibilité du vaccin trivalent contre la DTP (Diphtérie, Tétanos, Poliomyélite), absent du marché depuis 2008. Le Conseil Constitutionnel, qui a été saisi, confirme néanmoins que la vaccination obligatoire est conforme à « l’exigence constitutionnelle de protection de la santé ».
Cette condamnation relance le débat sur la vaccination obligatoire, qui fait controverse en France, et qui fait suite à la montée d’un sentiment de défiance de la population à l’égard des vaccins.
En France, il n’existe que trois vaccinations obligatoires : celles contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Dans certaines situations particulières, d’autres vaccins sont nécessaires : contre l’hépatite B pour les professionnels de santé, contre la fièvre jaune pour les Guyanais, puis divers vaccins pour certains voyages à l’étranger.
Le vaccin dit trivalent (DTP) n’est plus commercialisé en France depuis 2008. Pour satisfaire l’obligation vaccinale, il faut donc se tourner vers un vaccin tétravalent (DTP et coqueluche), pentavalent (avec en plus haemophilus influenzae de type B) ou hexavalent (qui associe l’hépatite B).
C’est le vaccin hexavalent, Infanrix Hexa, qui est officiellement recommandé en France, les téta- et pentavalants étant en rupture de stock. Deux géants gèrent le marché de ces vaccins : le français Sanofi Pasteur et le britannique GSK. La forte demande mondiale et des difficultés dans la production des vaccins sont à l’origine de la pénurie internationale selon ces laboratoires.
Le sentiment de défiance de la population envers les vaccins n’a fait que croître depuis quelques années. Une pétition lancée sur Internet compte à ce jour plus de 773 000 signatures. Elle réclame le retour à un vaccin trivalent. Les « anti » dénoncent notamment la présence du vaccin contre l’hépatite B, responsable selon eux de provoquer des maladies, comme la sclérose en plaques.
Le Professeur Joyeux avait crée une polémique en 2015, en appelant dans une vidéo à signer cette pétition. Selon lui, l’aluminium et le formaldéhydes contenues dans l’Infanrix Hexa seraient « deux substances dangereuses, voire très dangereuses » pour la santé.
Cette controverse franchit les frontières. En effet, les États-Unis ont enregistré un record de rougeole en 2014, conséquence de la conviction d’une partie des Américains d’un lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéoles) et l’autisme chez l’enfant.
En France aussi, on constate une baisse de la couverture vaccinale ces dix dernières années. Pourtant, la vaccination est un outil essentiel de santé publique. En Europe, l’arrêt de la transmission, voire l’éradication de certaines maladies mortelles (la variole) est directement imputable à la vaccination.
De plus, la vaccination n’est pas du ressort seul de la responsabilité individuelle, mais aussi de la responsabilité collective. « C’est la différence entre ne pas mettre sa ceinture de sécurité en voiture et boire en conduisant » explique Robert Cohen, pédiatre à l’hôpital de Créteil. En effet, le refus vaccinal pour des maladies infectieuses (comme la rougeole, les oreillons, etc.) fait peser un risque sur la santé des autres.
Certains personnes, comme celles souffrant d’une atteinte du système immunitaire et les nourrissons de moins de six mois, ne peuvent pas être vaccinées. Pourtant, en vaccinant 95% de la population, on élimine quasiment la transmission de la rougeole par exemple. En 1963 (avant le vaccin), on comptait 550 000 cas par an. Aujourd’hui, on tourne autour de mille. De la même manière, aucun cas de diphtérie n’est observé en France aujourd’hui alors qu’étaient comptés 45 000 cas par an avant le vaccin. En juin 2015, faute de vaccination, un enfant de 6 ans est mort de la diphtérie en Espagne.
De plus, contrairement à ce que les « anti-vax » affirment, il n’existe aucune étude montrant d’association statistiquement significative entre le vaccin de l’hépatite B et la sclérose en plaque. De même, la recherche scientifique n’a trouvé aucune preuve sur la dangerosité de l’aluminium contenu dans les vaccins. La HCSP (Haut Conseil de Santé Publique) considère que « les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium ».
Comme tous les médicaments, certains vaccins peuvent présenter des effets indésirables. Cependant, les EI graves sont rares et la balance bénéfice/risque penche clairement du côté de la vaccination. Sans cette dernière, on est à risque de voir d’anciennes maladies resurgir.
Le rôle de l’Etat et des professionnels de santé est de rassurer les parents, de leur expliquer l’utilité de la vaccination, et des risques sur leur enfant et son entourage en cas de refus de celle-ci. Marisol Touraine a annoncé une série de mesure pour répondre à la défiance de la population. Elle annonce entre autres la mise en place d’un « carnet de vaccination électronique » pour améliorer le suivi des patients, et de faire pression sur les industriels pour gérer les pénuries. « Une obligation vaccinale ne peut être respectée que si les vaccins sont disponibles » ajoute-t-elle.
Le Ministère de la Santé ouvre également un débat qui devra déterminer s’il est pertinent ou non de maintenir une vaccination obligatoire. Il devrait revenir sur les principaux points de méfiance : les pénuries, les adjuvants et les effets secondaires. Il pourrait n’exister alors qu’une liste de vaccins « recommandés », incluant le DTP et les vaccins recommandés actuels.
Teste : esanum / sb
Photo : adriaticfoto / Shutterstock