Ce taux de réactivation serait proportionnellement lié à la durée des vols spatiaux et serait engendré par une levée du contrôle immunitaire sur les virus dormants dans l’organisme. De là se pose la nécessité de résoudre ce problème pour la réussite du programme d’exploration de l’espace lointain au-delà de la Lune et de la planète Mars.
Il a été constaté que quatre types de virus d’herpès ont été réactivés chez des astronautes de la NASA lors de vols spatiaux de courte et de longue durée. Ces virus sont : le virus Epstein-Barr (EBV), le virus varicelle-zona (VZV) et l’herpès simplex-1 (HSV-1) dans la salive, et le cytomégalovirus (CMV) dans les urines.
Cette réactivation des virus d’herpès a été démontrée chez des astronautes lors de vols de la navette spatiale (10 à 16 jours) et de la Station spatiale internationale (≥ 180 jours). Plus de la moitié (53 %) des astronautes des vols de la navette et 61 % des astronautes des missions de l’ISS ont excrété des virus d’herpès dans des échantillons de salive/d’urine. On a aussi noté que l’importance de l’excrétion virale était corrélée directement à la durée du vol spatial.
Huit principaux types de virus d’herpès infectent les humains avec des taux d’infection mondiaux de 70 à 95 %. Ces virus utilisent des mécanismes complexes pour échapper au système immunitaire de l’hôte. Ainsi, après la primo-infection, ils persistent toute la vie dans une phase latente ou dormante et sont généralement asymptomatiques chez les individus immunocompétents. Cependant, ils peuvent être réactivés pendant les périodes de stress accru, d’isolement ou de déficit immunitaire. En effet, les études montrent que, chez l’homme, la réactivation du génome viral à partir de l’état de latence peut être déclenchée par des stress émotionnels, la température, la ménorrhée, l’immunosuppression, ou par des traumatismes neurologiques.
Le virus d’Epstein-Barr (EBV) ou virus de l’herpès 4 (HHV-4) est un virus de la famille des Herpesviridae. Il cause plusieurs maladies, dont la mononucléose infectieuse et le lymphome de Burkitt. C’est un virus à ADN hautement infectieux transmis par des microgouttelettes en aérosol et par contact direct avec la salive.
Le virus varicelle-zona (VZV) est un herpèsvirus, appelé aussi HHV-3 (human herpesvirus 3), responsable de la varicelle ou du zona. Ce virus est transmis par la salive et par des microgouttelettes en aérosol.
Les virus herpes simplex-1 (Human herpèsvirus 1, HHV-1 ou HSV-1) entraîne souvent des infections récidivantes touchant la peau, la bouche, les lèvres, les yeux et les organes génitaux. Les infections sévères fréquentes comprennent l’encéphalite, la méningite, l’herpès néonatal et, chez le patient immunodéprimé, une infection disséminée. Ce virus très répandu et transmissible persiste tout au long de la vie.
Le cytomégalovirus (CMV) est un virus responsable d’infections passant le plus souvent inaperçues. Son caractère pathogène survient surtout chez des patients dont les défenses immunitaires sont affaiblies (traités par des immunosuppresseurs, atteints de VIH, fœtus).
Pendant les vols spatiaux de courte et de longue durée, les astronautes vivent dans des conditions très stressantes. En effet, ils sont soumis à des forces de gravitation variables (accélération/décélération), à des radiations cosmiques et à la microgravité. De plus, ces astronautes endurent d’autres facteurs stressants comme la séparation sociale, l’isolement, la privation de sommeil, la perturbation du rythme circadien et l’anxiété. Tout cela engendre une dérégulation des systèmes immunitaire et endocrinien.
Il est actuellement admis que ces conditions trop stressantes des vols spatiaux augmentent la libération d’hormones de stress telles que le cortisol et les catécholamines. Cela est de nature à affaiblir le système immunitaire et, en particulier, le système immunitaire adaptatif, ce qui facilite la réactivation des virus latents d’herpès pendant et après le vol spatial.
Les études montrent que, pendant les vols spatiaux, il se produit une dérégulation immunitaire majeure et des modifications fonctionnelles associées à une réactivation virale significative, et ce, quelle que soit la durée de la mission. Le maintien des virus à l’état latent nécessite un système immunitaire fort, et tout affaiblissement de ce système tend à favoriser la réactivation virale.
La réactivation virale qui augmente avec le temps passé dans l’espace constitue un risque professionnel grave pour les astronautes qui sont appelés dans l’avenir à réaliser des missions dans l’espace lointain au-delà de la Lune et de la planète Mars.
Selon le Dr Satish K. Mehta, de KBR Wyle au Centre spatial Johnson : « la mise au point de contre-mesures contre la réactivation virale est essentielle au succès de ces missions dans l’espace lointain. La contre-mesure idéale est la vaccination des astronautes, mais cette option n’est disponible jusqu’à présent que pour le VZV. Les essais d’autres vaccins contre le virus de l’herpès ne sont guère prometteurs. Nous nous concentrons donc, actuellement, sur la mise au point de schémas thérapeutiques ciblés pour les personnes souffrant des conséquences de la réactivation virale ».
Quoi qu’il en soit, la résolution du problème de la réactivation virale chez les astronautes constitue, actuellement, un défi scientifique majeur qu’il faudrait relever, pour garantir le succès des missions futures vers l’espace lointain.