La progression rapide des symptômes dans les six premières heures après l'apparition d'un angio-œdème est classiquement reconnue comme étant une indication à une intubation (sans doute un brin «difficile»). On retient généralement comme signes d'un œdème glossique antérieur, des modifications de la voix évoquant une atteinte des cordes vocales, une hypersialorrhée ou encore l’apparition d’une dyspnée. Ces signes sont des caractéristiques à haut risque associées à la nécessité d'une intubation chez les patients présentant un angio-œdème associé à un IEC (ou un ARA2).
Cependant, la majorité des patients présentent un œdème isolé des lèvres et ceux-ci sont significativement moins susceptibles de nécessiter une intubation. Mais comment s’assurer que cet œdème isolé initialement ne va pas évoluer vers une atteinte plus sévère ?
Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) sont associés à 30 à 40% des cas d’angio-œdème bradykinique. Celui-ci touche le plus souvent les lèvres, la langue et le visage, mais la complication la plus redoutée est l'obstruction aiguë des voies respiratoires. Celle-ci peut survenir dans 10% des cas.
Le traitement consiste essentiellement à arrêter l'agent en cause et à fournir des soins de support avec une surveillance de la fonction respiratoire et des voies aériennes supérieures.
Il existe des traitements pharmacologiques – comme les antagonistes des récepteurs de la bradykinine ou les concentrés de C1 inhibiteur – ou adjuvants, comme l’acide tranexamique. Mais le véritable défi pour l’urgentiste consiste à déterminer le moment où les patients ont besoin d'une intubation pour sécuriser leurs voies respiratoires.
Un article1 paru dans l’American Journal of Emergency Medicine décrit les résultats d’une étude rétrospective canadienne de 190 cas d'angio-œdème associé aux IEC sur une période de trois ans dans un grand service d'urgence urbain.
Ainsi, l’évaluation de ces facteurs de risque combinée à votre intuition clinique peuvent être utilisés pour stratifier les patients présentant un angio-œdème associé aux IEC afin de déterminer la meilleure stratégie de prise en charge et de traitement.
Dans certains systèmes hospitaliers, l'urgentiste qui souhaite hospitaliser un patient doit demander à un spécialiste de voir le patient. En France, il s’agirait préférentiellement de l’anesthésiste ET du réanimateur, afin de convenir avec eux qu'il doit être admis et obtenir son hospitalisation…
Pour les lèvres œdématiées isolées, un séjour en UHCD sera sans doute suffisant. N’oubliez-pas au passage de bannir le responsable à vie (je ne parle pas du médecin mais du traitement) et de faire une fiche de signalement au SAMU (9 à 10% de récidives sous ARA2 après arrêt des IEC...).
PS : les cinéphiles comprendront la référence médicale à la série et surtout à l’inoubliable film M*A*S*H... dont le titre est tiré des “Mobile Army Surgical Hospitals”. Ces Unités hospitalières déportées, déployées lors de la guerre de Corée, sont à l’origine de la médecine d’urgence.
Références :
1- Mudd PA, et al. Emergency department evaluation of patients with angiotensin converting enzyme inhibitor associated angioedema. Am J Emerg Med.
2020;38(12):2596-2601. PMID : 31932133
2- Winters ME, et al. Emergency department management of patients with ACE-inhibitor angioedema. J Emerg Med. 2013 Nov;45(5):775-80. PMID: 23988141
3- Sinert R, et al. Randomized Trial of Icatibant for Angiotensin-Converting Enzyme Inhibitor-Induced Upper Airway Angioedema. J Allergy Clin Immunol Pract 2017.PMID: 28552382
Liens d'intérêts
Le professeur Peschanski déclare les liens d'intérêts suivants :
- sur les trois dernières années : Vygon SA (consultant), Fisher&Paykel (symposium), AstraZeneca (symposium)
- sur les vingt dernières années :
Symposiums : Fisher&Paykel Healthcare , AstraZeneca, Lilly, Sanofi, Daiichi-Sankyo, HeartScape, The Medicine Company, Thermofisher, Roche Diagnostics
Boards : Bayer, AstraZeneca, Vygon SA, Portola USA, Sanofi, Boehringer Ingelheim
Congrès : Lilly, Sanofi, Vygon SA, Portola, Roche Diagnostics, Thermofisher
Fonds de recherche (non personnels) : Servier, Boehringer Ingelhei