L’OMS met en garde contre tout projet d’établir un «passeport d’immunité» permettant aux personnes porteuses des anticorps au SARS-CoV-2 de reprendre leur activité ou de voyager. Rien ne prouve à ce jour que ces personnes sont à l’abri d’une réinfection. La fiabilité des tests est aussi en question.
Dans une note1 du 24 avril, l’OMS rappelle que le développement de l'immunité est un processus en plusieurs étapes et s’étale souvent sur une à deux semaines.
- L’organisme réagit d’emblée à l’infection virale par une réponse non spécifique : les macrophages, les neutrophiles et les cellules dendritiques freinent la progression du virus et peuvent même empêcher le déclenchement des symptômes.
- Puis se met en place une réponse adaptative : l'organisme fabrique des anticorps - des protéines appelées immunoglobulines - qui se lient spécifiquement au virus. L'organisme fabrique également des lymphocytes T qui reconnaissent et éliminent les autres cellules infectées par le virus.
Cette double action peut éliminer le virus de l'organisme et, si la réponse est suffisamment forte, empêcher la progression vers une maladie grave ou une réinfection par le même virus. Ce processus est généralement mesuré par un dosage d'anticorps dans le sang.
La plupart des études montrent qu’après une infection les personnes diposent d'anticorps. Mais chez certaines d'entre elles, les niveaux sont très faibles. Par ailleurs, aucune étude n'a encore permis de montrer que la présence d'anticorps contre le SARS-CoV-2 protège d'une réinfection ultérieure.
D'ailleurs, le Pr Peter Openshaw - spécialiste en immunologie pulmonaire et membre du groupe de travail du gouvernement britannique sur les virus respiratoires - envisageait 2 récemment un «pire scénario» : une résistance partielle au virus, et pendant environ trois mois seulement. Ce scénario est tiré des connaissances actuelles sur l’immunité acquise suite à une infection par l’un des quatre coronavirus «bénins».
Pour l'OMS, la précision et la fiabilité des tests qui détectent les anticorps du SARS-CoV-2 chez l'homme - notamment les tests d'immunodiagnostic rapide - devront être vérifiées davantage. Des résultats erronés, qu'il s'agisse de faux positifs ou faux négatifs, impacteraient les efforts entrepris pour contrôler la pandémie.
Ces tests doivent également être à même de distinguer avec certitude une infection due au SRAS-CoV-2 de celles causées par d'autres coronavirus. Outre les coronavirus responsables du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS‐CoV) et du SDRA, quatre autres provoquent un simple rhume et circulent largement. Les personnes infectées par l'un de ces virus peuvent produire des anticorps qui réagissent avec ceux produits en réponse à l'infection par le SRAS-CoV-2.
Actuellement de tels tests de dépistage sont largement employés, que ce soit au niveau de la population ou de groupes spécifiques : professionnels de santé, personnes contacts, etc. Ceci permet de comprendre l'ampleur de l'infection et d'identifier les facteurs de risque qui y sont associés. C'est aussi un moyen d'obtenir des données sur le pourcentage de personnes ayant des anticorps COVID-19 détectables. Par contre, la plupart des études réalisées dans ce cadre ne sont pas conçues pour déterminer si les personnes testées sont protégées d'une réinfection.
L’OMS estime donc que les conditions ne sont pas encore réunies pour qu‘un «passeport d’immunité» soit fiable. Leur utilisation risquerait même d'augmenter les risques de transmission : une personne testée positive, pensant être définitivement immunisée, pourrait ignorer les recommandations de santé publique.
Références :
1- WHO - "Immunity passports" in the context of COVID-19
2- Propos rapportés le 30 mars dans The Guardian.
«Immunity passports' could speed up return to work after Covid-19»