“Nous essayons de comprendre les mécanismes de l’erreur humaine”, explique Frédéric Dehais, chercheur à l’Institut national de l’aéronautique et de l’espace (ISAE Supaéro) de Toulouse dont le but des recherches est de comprendre “pourquoi le cerveau a du mal à traiter l’information, à manquer des alarmes, des informations cruciales et persister dans de mauvaises décisions alors que toutes les informations sont disponibles?”. Afin de répondre à cette question cruciale pour la sécurité des passagers, une chaire financée par Axa a été confiée aux scientifiques afin qu’ils puissent établir de meilleures connexions entre le facteur humain et celui de la neuro-ergonomie.
Après avoir vérifié que les pilotes pouvaient ignorer certaines informations envoyées par le cockpit pour cause de concentration sur une manœuvre à effectuer, Frédéric Dehais et son équipe ont souhaité démontrer que le système actuel d’alarmes toujours plus fortes n’étaient pas réellement efficaces et qu’il valait mieux développer un moyen de répondre aux mécanismes de l’attention. « Nous nous sommes aperçus que si l’on veut regarder quelque chose, il faut déjà désengager son attention de ce que l’on regardait précédemment”, a commenté le scientifique. Ce phénomène de focalisation sur un problème est appelé « phénomène de persévération » ou encore « tunnelisation », selon le terme utilisé par les pilotes eux-mêmes. Les commandants de bord ont tendance à se concentrer uniquement sur un seul conflit même si la machine en indique d’autres. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle le deuxième pilote est d’une très grande importance.
Mieux performer les relations hommes-machines
Pour aider les pilotes dans la bonne réalisation de leur travail, consistant avant-tout à assurer la sécurité des passagers, les scientifiques ont émis une solution; celle de déplacer l’attention du commandant sur l’information pertinente en effaçant celle sur laquelle il était jusque là uniquement concentré. Une forme de sommeil puis réveil qui durerait quelques secondes. Pour réaliser cela, il faudrait revoir le système d’aide au pilotage actuel en simplifiant sa présentation et augmenter l’intelligence artificielle du cockpit.
“On va parler de prothèse cognitive, explique Frédéric Dehais, c’est l’interface de la machine qui va s’adapter, faire le désengagement intentionnel puis le réengagement intentionnel”. D’autres chercheurs se sont également penchés sur la question. Notamment le centre français de recherche aérospatiale (Onera) basé à Salon de Provence qui a commencé à travailler sur un cockpit plus automatisé veillant à la bonne vigilance des pilotes.
Pour leurs recherches, les scientifiques ont utilisé un casque à électrodes ainsi qu’un électroencéphalogramme afin d’observer le degré de concentration d’un commandant au cours d’un vol simulé. Les défaillances d’attention notées lors de ces tests seront ensuite étudiées lors de situation réelle afin de voir comment améliorer les rapports entre l’homme et la machine. “Nous cherchons à faire des transferts de connaissance issus des sciences cognitives, ce qui inclut les neurosciences ou et la psychologie, pour traiter les interactions”, a expliqué un des chercheurs Patrick Le Blaye.
Ces études scientifiques mettent en avant les qualités et défauts de l’autonomisation de l’aéronautique qui peut également conduire les humains à faire plus d’erreurs. L’idée originale de ces démarches est donc de mieux comprendre comment cela fonctionne réellement au niveau du cerveau des pilotes afin de leur proposer une optimisation du système d’aide au pilotage.
Texte : AFP / pg