Particules ultrafines et tumeurs cérébrales

Les particules ultrafines, produites notamment par les gaz d'échappement, peuvent atteindre le cerveau humain. Pour la première fois une étude canadienne établit un lien entre leur concentration dans l’air ambiant et l’incidence des tumeurs cérébrales.

En zones urbaines, les gaz d'échappement sont d'importantes sources de particules ultrafines ambiantes (PUF, < 0,1 μm). Leurs effets à long terme sur l’organisme sont peu connus. Le lien entre PUF et différents cancers - poumon, prostate et sein - a été étudié, mais les conclusions et connaissances demeurent limitées.

Particules et tumeurs cérébrales

Concernant le cerveau, de nombreuses études ont récemment porté sur la capacité des particules fines et ultrafines à atteindre le cerveau. Des études chez l’animal suggèrent qu'une fraction des PUF inhalées migrent vers le cerveau soit via le nerf olfactif, lorsqu'elles sont déposées sur l'épithélium nasal, soit en traversant la barrière hémato-encéphalique après avoir pénétré la circulation systémique via l'épithélium alvéolaire.

Ce transfert est favorisé par la taille des particules et la constitution de leur revêtement (protéines et lipides). La migration des PUF vers le cerveau est lente mais les taux d'élimination sont également très lents : elles peuvent donc s'accumuler au fil du temps. Leurs effets délétères des partisont soit direct (rétention de particules dans le cerveau) soit indirect lorsqu’elles induisent la production de médiateurs inflammatoires.

Les données épidémiologiques relatives à la pollution atmosphérique et aux tumeurs cérébrales sont limitées. La plus récente étude européenne a montré que pour les particules fines (PM2.5, < 2.5 μm ) l'absorption par rayonnement bêta (un marqueur de la pollution de l'air liée à la circulation routière) était le plus fortement associé aux tumeurs cérébrales malignes.

Toutefois, aucune étude n'a été menée jusqu'à présent sur la relation entre les PUF et les cellules du cerveau, et la manière dont elles les atteignent.

Mesure de l’exposition

L’étude de cohorte a porté sur les variations des concentrations ambiantes de PUF au sein de différentes zones des villes de Montréal et Toronto.
1,9 million d'adultes ont été inclus (les données ont été issues de quatre phases du recensement canadien sur la santé et l'environnement : 1991, 1996, 2001 et 2006).

Au début du suivi chaque personne s'est vu attribuer une exposition en fonction des caractéristiques de son lieu de résidence. Il s’agit d’expositions moyennes sur trois années, avec un décalage d'un an pour tenir compte de la mobilité.

Mesure de l’incidence

En parallèle, les chercheurs ont suivi la cohorte de personnes atteintes de tumeurs cérébrales malignes (codes CIM-10 C71.0-C71.9) entre 2001 et 2016. Au total, 1400 tumeurs cérébrales incidentes au cours de la période de suivi ont été recensées.  

Résultats

Les mesures ont montré que PFU étaient constamment associés à une augmentation des tumeurs cérébrales, dans tous les modèles examinés. Les tumeurs étaient plus fréquentes chez les femmes (n=800) que chez les hommes (n=600). Ce rapport de risque est demeuré élevé après ajustement pour tenir compte de l'incidence de facteurs sociodémographiques.

Les résultats suggèrent qu’une augmentation de la concentration ambiante moyenne de PUF de 10 000 / cm3 sur une durée de trois ans contribue à environ un nouveau cas de tumeur cérébrale par 100 000 habitants (en supposant un taux d'incidence de base normalisé selon l'âge de 8 par 100 000 habitants).

Les tumeurs cérébrales ne sont par contre pas associées positivement aux variations spatiales de concentration des autres polluants atmosphériques - fréquemment surveillés en milieu urbain - que sont les particules fines et le dioxyde d’azote (NO2).

La prévalence des véhicules diesel (une source majeure de PUF) est faible au Canada. Certaines zones présentent donc des concentrations de NO2 élevées (provenant de véhicules à essence) mais sans élévation importante des PUF.

Limites

Les modèles d'exposition utilisés pour estimer les variations spatiales des concentrations extérieures de PUF étaient fondées sur des données datant de la fin de la période visée par l'étude (2001-2016).

Cette mesure de l'exposition a donc probablement présenté une imprécision d’origine :

-              temporelle (émissions fluctuantes au fil du temps).

-              spatiale (modifications locales des infrastructure qui peuvent influer sur les émissions de particules).

Par ailleurs, l’absence de données individuelles quant à d'autres facteurs de risque des tumeurs cérébrales - notamment les antécédents familiaux – n’a pas permis de tenir compte de ces facteurs.

Conclusions

Les données préexistantes sur la pollution de l'air extérieur et les tumeurs cérébrales n’étaient pas cohérentes. Cette étude a montré que les PUF ambiants peuvent représenter un facteur de risque jusqu'alors inconnu pour les tumeurs cérébrales chez les adultes. Or celles-ci sont de mauvais pronostic et présentent par ailleurs peu de facteurs de risques spécifiques identifiés. IL serait donc judicieux qu'une telle étude soit répliquée dans des zones urbaines à forte densité en particules ultrafines.




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Source :
Within-City Spatial Variations in Ambient Ultrafine Particle Concentrations and Incident
Brain Tumors in Adults
Scott Weichenthal, Toyib Olaniyan, Tanya Christidis, Eric Lavigne, Marianne
Hatzopoulou, Keith Van Ryswyk, Michael Tjepkema, Rick Burnett
Epidemiology. 2019 Nov 6.
DOI: 10.1097/EDE.0000000000001137