En France, c’est l’EFS, pour Etablissement Français du Sang, qui a le monopole de collecte, préparation, qualification et distribution de sang et de produits sanguins labiles. Il dispose de cent quarante-trois sites de prélèvements, en plus des différentes collectes mobiles au cours de l’année, notamment en période estivale.
Le sang est la matière première et irremplaçable pour la fabrication de produits sanguins labiles (PSL). Ces médicaments sont indispensables pour de nombreux patients souffrant d’hémopathies, qu’elles soient cancéreuses ou héréditaires. Ils sont aussi primordiaux en cas d’interventions chirurgicales avec risque d’hémorragie, pouvant demander un apport conséquent en produits sanguins. Un million de malades par an sont ainsi soignés grâce aux produits sanguins.
Les contre-indications au don du sang sont nécessaires pour la sécurité des receveurs et des donneurs. Un candidat potentiel au don du sang est majeur (jusqu’à soixante-dix ans), pèse au moins cinquante kilos et est en bon état de santé général (pas d’anémie, par exemple)
En cas d’infections ou de prises de certains médicaments, il sera demandé de respecter une période de quatorze jours. C’est ce que l’on appelle les contre-indications temporaires. De plus, un certain délai doit être observé en cas d’une exposition à un risque d’infection comme un soin dentaire (un jour à une semaine), un piercing ou tatouage (quatre mois), une intervention chirurgicale (jusque quatre mois), ou encore le retour d’un pays impaludé. En cas de changement de partenaire sexuel (pour les hétérosexuels), il est ordonné d’attendre quatre mois, même si le rapport était protégé.
Certaines contre-indications sont permanentes cependant : ainsi, les personnes souffrant ce certaines maladies cardio-vasculaires ou hématologiques, les individus exposés aux prions (en particulier ceux ayant résidé au Royaume-Uni entre 1980 et 1986) ainsi que naturellement les personnes ayant une infection sexuellement transmissibles (VIH, hépatites virales, syphilis, entre autres) sont exclus du don du sang. Les prostitué(e)s, les (ex-)toxicomanes, les personnes ayant déjà été transfusées, et – jusque récemment – les homosexuels – sont considérés comme des populations à risque et sont donc refusés systématiquement par l’EFS.
Une ouverture du don du sang aux homosexuels sous conditions
L’annonce de Marisol Touraine de l’autorisation aux homosexuels à donner leur sang, à partir du printemps 2016, est donc une nouveauté en France. Ils pourront donner leur plasma avec les mêmes règles que les hétérosexuels (à savoir, pas de nouveau partenaire sexuel sur les quatre derniers mois). Cependant pour le don du sang total, une période d’abstinence de douze mois sera demandé. Cette dernière condition restera donc un frein majeur pour les personnes concernées.
Onze pays autorisent le don du sang des homosexuels sans restriction supplémentaire à savoir le Mexique, la Colombie, le Chili, l’Argentine, l’Afrique du Sud, l’Espagne, la Pologne, l’Italie, la Russie, la Lettonie et la Suède. La France, quant à elle, rejoint le Canada, le Royaume-Uni, la Finlande, la République Tchèque, la Hongrie et l’Australie sur la liste des pays qui permettent le don après un délai d’abstinence de un an (jusque cinq pour le Canada).
De nombreuses associations saluent donc cette « avancée symbolique ». Néanmoins, d’autres dénoncent une vraie « discrimination » et demandent à ce que le don du sang se fasse sans distinction d’orientations sexuelles.
Les homosexuels sont considérés comme population à risque depuis juin 1983. Il existe en effet une prévalence du VIH plus élevée chez la population homosexuelle masculine en comparaison avec la population générale. Selon un rapport de l’INVS (l’Institut Nationale de Veille Sanitaire) en 2010, le taux d’’exposition au VIH est deux cents fois plus élevée en cas de relation sexuelle entre hommes. En 2013, toujours selon l’INSV, 43% des découvertes de séroposivité concernaient les homosexuels (55% les hétérosexuels).
La France s’est donc alignée sur ces études statistiques pour limiter le don du sang à une abstinence de un an, s’alignant ainsi sur les pays cités ci-dessus, et espère réduire le risque au même niveau que les hétérosexuels sans nouveau partenaire depuis quatre mois. Selon l’INSV toujours, cette mesure pourrait pourtant multiplier le risque par 4, mais dans le scénario le plus pessimiste. La fenêtre silencieuse du VIH est pourtant largement couverte, grâce aux techniques de biologie moléculaire, qui l’ont réduit à de dix à douze jours aujourd’hui, bien que le risque zéro n’existe évidemment pas.
« Le don du sang n’est pas un droit » résume Aurélien Beauchamp, président de AIDES. On peut naturellement comprendre que la sécurité des donneurs soit la priorité. Néanmoins, on peut se demander en quoi un homosexuel en relation stable depuis des années présenterait plus de risque qu’un hétérosexuel. La Ministre de la Santé répond que les premiers dons seront la base d’études, et que les règles d’inclusion pourraient changer d’ici l’année prochaine. Affaire à suivre, donc!
Texte : esanum/ sb
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