« Les petits ruisseaux font les grandes rivières ». Le dicton pourrait servir de mot d’ordre aux partisans du « nudging », qui rêvent de l’utiliser dans le domaine médical. Ce principe, tiré du terme anglais « nudge » signifie : « encourager, pousser dans une direction » ; Il provient de modèles behavioristes, un courant des sciences sociales qui présuppose que les comportements socio-économiques, étant soumis à des déterminants irrationnels ou liés à un contexte social peuvent être modifiés en agissant sur ces facteurs.
Depuis une décennie, les publications incitant à son adoption en matière de santé publique se multiplient dans les pays de l’OCDE. Aux Etats-Unis l’administration Obama en avait fait un principe d’action publique, sous l’égide du juriste Cass Sunstein (qui en est l’un des théoriciens avec le Nobel d’économie Richard Thaler).
En France, le Secrétariat général de modernisation de l’action publique s’intéresse à la question depuis plusieurs années.
Partout un même objectif : changer les habitudes – et réaliser des économies –, non en imposant des réformes radicales difficilement acceptées, mais en encourageant, plus ou moins discrètement, des pratiques jugées « bonnes ».
Ces politiques peuvent d’abord s’adresser aux professionnels de santé. Outre-Atlantique, une équipe de l’Université de Pennsylvanie (Patel et Volpp, 2012) a par exemple étudié des mesures incitant des praticiens à prendre en compte le coût des traitements et leur efficacité mesurée par des preuves (evidence-based medicine).
Ensuite, Le secteur de l’assurance s’est évidemment bien vite emparé du sujet en développent des programmes intégrant ces « coups de pouce » afin d’orienter les dépenses vers des traitements qui sont jugés les plus efficaces.
En bout de course, ce sont bien sûr les patients qui sont visés. Une étude fréquemment citée (Johnson et Goldstein, 2004) concerne le don d’organes. Les pays dans lesquels le don est automatique « par défaut » d’autre choix sont également ceux où les dons sont les plus nombreux. Un principe d’inertie expliquerait qu’un faible nombre d’individus font l’effort de demander à ne pas être donneur. De nombreuses autres applications sont également citées par les partisans du nudging, notamment dans la lutte contre l’obésité ou le tabagisme.
Mais les critiques fusent qui en pointent les limites. Premier et non des moindres : son efficacité même est remise en cause. Par exemple, d’après cet essai sur des patients atteints de maladies cardiaques, la gratuité des traitements médicamenteux n’a pas permis d’assurer une meilleure régularité de leur suivi.
Surtout, ce principe parfois qualifié de « paternalisme libertarien » (titre d’un article de Thaler et Sunstein), soulève des questions éthiques dans la mesure où il peut être considéré comme une sorte de « manipulation ». Reste que ce « petit coup de pouce » continue à faire des émules.