«Méditation», un terme qui fascine. Ou qui hérisse, comme en témoigne la levée de bouclier envers la simple idée de l’enseigner à l’école. Malgré de fortes réticences, la pratique de la méditation s’implante peu à peu dans le milieu médical, que ce soit chez les patient.e.s ou les soignant.e.s.
Cet essor doit probablement beaucoup aux programmes de Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR). Développés par le Pr Kabat-Zinn à l’Université de Médecine du Massachusetts depuis les années 1980, ils ont fait l’objet de multiples publications scientifiques. La notion de méditation, historiquement rattachée au bouddhisme, s’est ainsi occidentalisée : la notion de «pleine conscience» n'évoque plus aujourd’hui une vague pratique ésotérique.
[NDLR : dans notre blog Horizon(s), l'urgentiste américain Salim Rezzaie écrivait notamment à propos de la pandémie : «Je tiens le coup car je fais de l'exercice, beaucoup de yoga et de méditation»].
Le délitement de notre système hospitalier, encore aggravé par la pandémie, a créé de longue date une souffrance chronique chez les soignant.e.s. Parce qu’elle nous reconnecte avec nos émotions, la méditation nous y confronte. C’est peut-être pour cela qu’elle rencontre tant de résistances, parfois drapées dans du scepticisme. C’est parfois plus simple de fuir nos émotions, d’essayer de «passer à autre chose», d’aller faire un footing pour oublier le patient décédé le matin même.
Pourtant, la méditation peut être ce moyen de vivre pleinement une émotion douloureuse pour ensuite l’accepter, et la laisser partir. Mais au-delà de cette dimension individuelle, la méditation nous reconnecte aussi avec le patient, le collègue. Il ne s’agit pas d’exercices de relaxation, ni d’une pratique qui isole, mais bien au contraire d’une manière de prendre conscience à la fois de soi-même, d’un «art de la relation à l’autre». Par cette dimension collective, la méditation peut transformer nos pratiques et leur redonner un sens.
Je suis persuadée des bénéfices de la méditation chez les professionnels de santé. Ce cheminement est aussi celui de Cloé Brami, une consoeur oncologue que j’ai rencontrée durant la première vague Covid-19. Depuis quatre ans, elle enseigne la méditation de pleine conscience à l’université de médecine Paris Descartes, et depuis peu à Montpellier.
Pour les étudiant.e.s en médecine, la méditation a deux grands avantages. D’abord, elle leur permet de prendre conscience de leur propre corps, d’en avoir une approche sensorielle, subjective, et pas uniquement «anatomique». Si les étudiants développent une acuité envers leur propre ressenti corporel, ils et elles pourront bien mieux comprendre ce que ressentent les patients. Ensuite, ces étudiants acquièrent par la méditation une compétence relationnelle : un positionnement plus juste de soi-même par rapport à l’autre, positionnement qui tient compte des émotions respectives, est un allié précieux dans notre pratique. Cloé mène d’ailleurs un travail de doctorat en psychologie1, portant sur la méditation et les compétences émotionnelles chez les étudiants en médecine.
De notre rencontre est né le projet de construire un MOOC (Massive Open Online Course) que nous avons intitulé «Méditation et médecine : éloge du care ?». Il s’agit d’un cours en ligne gratuit, ouvert à tou.te.s, sans prérequis. En l’occurrence, il s’agit plutôt d’un MOOD (Massive Open Online Documentary).
Pour réaliser ce documentaire, dont les cinq épisodes de trente minutes environ sont diffusés à raison d’un par semaine, nous avons rencontré des étudiants en médecine formés à la méditation. Par ailleurs, une vingtaine d’intervenant.e.s, notamment des soignants et scientifiques, questionnent au fil de ce documentaire la relation entre le «care» et la méditation. Au programme : déconstruction des croyances sur la méditation, définition de la méditation de pleine conscience, étude du lien avec le care…
Au fil de ce MOOC, après la diffusion du documentaire, les personnes inscrites pourront accéder à des ressources variées et participer à des activités réflexives (écriture, méditation, débat, défis).
Plus d’informations et inscription (jusqu’au 28 février 2022)
Programme :
Episode 1 - La méditation de pleine conscience et le corps sensible.
Episode 2 - « Un soignant est un être humain », les challenges de la formation, la rencontre avec la méditation à l’université.
Episode 3 - La méditation de pleine conscience et la recherche interdisciplinaire.
Episode 4 - La culture du care - « prendre soin ».
Episode 5 - Prendre soin de soi, de l’autre et du monde - ressources et interdépendance.
Parmi les participant.e.s au MOOC figurent :
Note :
1- au sein d’un laboratoire de l’Université de Paris, le Learning Planet Institute Health Lab.