Droits des patients en fin de vie : un débat loin d’être fini

C’est l’affaire d’Inès, cette jeune adolescente âgée de 14 ans hospitalisée au CHRU de Nancy en état végétatif depuis le 22 juin 2017 qui a fait resurgir le débat sur la fin de vie et sur le dernier texte de loi Claeys-Léonetti. De nouvelles questions se posent quant à son application, ses limites et ses perspectives.

C’est l’affaire d’Inès, cette jeune adolescente  âgée de 14 ans hospitalisée au CHRU de Nancy en état végétatif depuis le 22 juin 2017 qui a fait resurgir le débat sur la fin de vie et sur le dernier texte de loi Claeys-Léonetti. De nouvelles questions se posent quant à son application, ses limites et ses perspectives.


La Loi Claeys-Léonetti de 2016 a succédé à la loi Léonetti  de 2005 devant l’insuffisance d’application de cette dernière et dans le but de donner de nouveaux droits aux patients en fin de vie.

L’affaire d’Inès

La jeune adolescente âgée de 14 ans atteinte d’une maladie neuromusculaire auto-immune a été hospitalisée au CHRU de Nancy suite à un arrêt cardiaque. La jeune fille est en état de mort cérébral depuis juin 2017 ce qui a déclenché la mise en place d’une concertation collégiale comme le stipule la loi sur les droits des patients en fin de vie. L’équipe soignante a ainsi jugé que le maintien artificiel en vie de la jeune fille relève de l’obstination déraisonnable qui est désormais interdite. La requête accusant les médecins de  pratique d’euthanasie portée par les parents a été déclarée irrecevable  par la Cour Européenne des Droits de l’Homme  (CEDH)  confortant ainsi la décision prise par le Cour d’Etat. Cette dernière a déjà donné droit aux médecins et a décidé l’arrêt définitif de toutes les thérapeutiques relevant désormais de l’acharnement thérapeutique.

Du nouveau dans la loi  Claeys-Léonetti de février 2016 

Le cheminement a été long avant d’aboutir au dernier texte de loi sur les droits des patients en fin de vie et a commencé depuis juin 1999 en donnant le droit d’accès aux soins palliatifs à tous les patients en France. Les lois se sont ensuite succédées. La loi du 4 mars 2002 a mis au clair les questions de personne de confiance, du consentement et du droit à l’information.

Avec l’adoption de la loi Léonetti en avril 2005, toute forme d’obstination déraisonnable est désormais interdite. Le texte a aussi mis en place la procédure des directives anticipées. La loi était assez équilibrée dans sa globalité.

Selon le rapport Sicard, cette loi serait mal ou peu appliquée et un travail sur la formation  pourrait faciliter son application par les professionnels de santé. Ceci a motivé l’adoption d’un nouveau texte de loi la dite loi Claeys-Léonetti en février 2016. Cette loi est venue renforcer les droits des patients en fin de vie ainsi que le dispositif des directives anticipées et a permis de redéfinir la notion d’obstination déraisonnable ou acharnement thérapeutique. Elle a aussi mis au clair les conditions pour la mise en place de la concertation collégiale dans le but de décider l’arrêt ou la poursuite des traitements chez un patient en phase terminale et hors d’état d’exprimer sa propre volonté.

Tous les actes de prévention, d’investigation ou de traitement ne doivent pas être entrepris ou doivent être arrêtés du moment qu’ils deviennent inutiles ou disproportionnés et n’ont comme finalité que le maintien artificiel en vie du patient. Ils peuvent être arrêtés à la demande du patient conscient, par l’intermédiaire de ses directives anticipées qui prévalent sur tout autre avis ou suite à une procédure collégiale. Ces actes incluent aussi la nutrition et l’hydratation artificielle. Cette loi a par ailleurs apporté du nouveau par rapport à la loi de 2005 qui est le droit à la sédation profonde en fin de vie jusqu’à la survenue de la mort.

Les praticiens toujours face aux obstacles

Malgré l’adoption de la nouvelle loi, l’applicabilité des lois rencontre toujours des obstacles divers.
Le grand public reste sous informé des droits des patients en fin de vie et sur ce que stipule la nouvelle loi. Le dispositif des directives anticipées reste encore  mal appliqué du fait qu’il soit assez récent et pas assez connu. Aussi l’information sur ce dispositif n’implique pas forcément une augmentation équivalente au niveau du taux de rédaction des directives anticipées pour d’autres raisons psychologiques, sociales et culturelles (le tabou de la mort en est un d’ailleurs). Une étude réalisée auprès de personnes âgées hospitalisées ou résidant en EHPAD a démontré que la question des directives anticipées évoque chez ces personnes un ressenti négatif de l’approche de la mort expliquant une attitude générale de résistance à cette démarche.

ll existe aussi encore de la confusion entre  sédation profonde et euthanasie même parmi le personnel soignant ce qui représente un obstacle de taille qui ne peut être surmonté que par un effort au niveau de la formation. D’autres problèmes se posent surtout dans le cas de la fin de vie chez l’enfant (le cas d’Inès) ou en cas de fin de vie brutale. Ces situations peuvent être très difficiles à surmonter par les familles et compliquent la prise de décision.

Par ailleurs, il faut dire que cette loi n’a pas répondu aux attentes et aux demandes des patients en fin de vie concernant la légalisation de l’euthanasie ou le suicide assisté.

Serait-on en chemin vers une nouvelle loi ?

Plusieurs perspectives peuvent être envisagées afin de faciliter l’application du texte de loi concernant la fin de vie. Le renforcement du dispositif des directives anticipées demeure une mesure capitale et essentielle en misant sur la formation des médecins généralistes. Ces derniers représentent en effet la première ligne en contact avec le patient. La formation du personnel soignant pour l’accompagnement en fin de vie doit aussi être encadrée de façon plus sérieuse. Enfin, l’information des proches des patients en fin de vie doit se faire de façon précoce après l’annonce du diagnostic afin d’aider à la prise de décision.

Il faut dire que malgré les difficultés à la mise en application de cette loi, le travail sur ces différents points pourrait améliorer les prises de décision dans les services de soins palliatifs et faciliter ainsi le travail des praticiens. La légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté en France semble être prématurée dans le contexte actuel d’après la plupart des praticiens par peur de tomber dans la banalisation de cet acte qui pourrait  dépasser les limites et devenir incontrôlé.

Références

Motti L, Cadec B, Myslinski M. Les directives anticipées et la personne de confiance en gériatrie : de l’émergence de mouvements défensifs à une possibilité d’élaboration psychique sur le vieillissement