Alors qu’il travaillait au CNRS, Laurent Meijer, co-fondateur de ManRos Therapeutics, a découvert la roscovitine en 1995 sur des protéines (des kinases) extraites d’œufs d’étoiles de mer. Il explique que “Les kinases sont les régulateurs majeurs des cellules”, “lorsqu’elles sont impliquées dans une pathologie, elles sont anormalement actives. L’idée, c’est de les réguler ou de les inhiber” et ajoute : “C’est de façon inattendue que nous avons découvert les effets antibactériens indirects de la roscovitine, sa propriété principale dans son application à la mucoviscidose”
Laurent Meijer, co-fondateur de ManRos Therapeutics © AFP FRED TANNEAU
La molécule “va stimuler les pouvoirs bactéricides de notre propre organisme, c’est-à-dire stimuler la lutte naturelle contre les bactéries”. Or, précise le chercheur, ce sont “les pouvoirs bactéricides qui sont affectés chez les patients atteints de mucoviscidose”. Cette altération explique les infections multiples dont sont victimes les malades.
La roscovitine a depuis été synthétisée et de multiples études précliniques et cliniques auprès de 500 personnes, notamment en cancérologie, ont été réalisées afin d’étudier sa tolérance. Depuis avril, c’est l’efficacité de la roscovitine sur la mucoviscidose qui est testée sur 36 patients, répartis par groupes de 12. La fin des tests pour le premier groupe est prévue à la fin de l’année/début 2017 et les autres groupes devraient prendre le relais en janvier 2017, avec des doses plus élevées.
L’effet escompté auprès des malades est double. Dans un premier temps, les scientifiques espèrent un effet anti-inflammatoire, car la mucoviscidose affecte principalement les voies respiratoires et le système digestif. Ensuite, ils espèrent un effet anti-bactérien : les infections des poumons par différentes populations de bactéries représentent la cause majeure de mortalité. Laurent Meijer pointe : “Ce qu’on espère, c’est l’amélioration des capacités respiratoires et le confort des personnes”.
De plus, stimuler la lutte naturelle contre les bactéries évite un développement d’antibiorestistance des patients. Le co-fondateur de ManRos Therapeutics précise : “La roscovitine, par son action indirecte, ne devrait pas induire de résistance”. “On espère donc que la molécule aura un effet bactéricide continu, qui pourra être prolongé pendant des périodes assez longues”. Enfin, “comme elle ne s’attaque pas à une bactérie précise, c’est un spectre étendu de bactéries qui pourraient être touchées, donc ce sont des infections multiples qui pourraient être traitées”, ajoute-t-il.
A l’issue des tests sur les 36 personnes, “et selon les résultats, on envisage une deuxième étude, plus vaste, qui pourrait s’étendre sur toute l’Europe et les États-Unis, avec un plus grand nombre de patients (210 patients) et pour une durée plus grande”. “Je suis optimiste, mais très prudent”, avoue-t-il. Et s’il estime qu’il “est trop tôt pour parler d’espoir”, il assure : “Moi, de l’espoir j’en ai”.
Texte : AFP / esanum
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