Comment fonctionne l'hadronthérapie ? Quelles tumeurs peuvent être traitées ? Comment cela fonctionne-t-il et combien de temps dure une séance d'hadronthérapie ? La Dre Viviana Vitolo, radio-oncologue au Centro Nazionale di Adroterapia Oncologica (CNAO) de Pavie répond à nos questions.
Pour en savoir plus sur l’hadronthérapie : L’hadronthérapie, une technologie de haute précision contre le cancer.
Nous l’utilisons pour traiter les tumeurs qui ne répondent pas à la radiothérapie traditionnelle (sarcomes, carcinomes adénoïdes-cystiques des glandes salivaires, mélanomes oculaires, récidives après une radiothérapie, etc. ). Autre indication, le traitement des tumeurs cancéreuses situées à proximité d'organes critiques sensibles aux rayonnements (méningiomes intracrâniens adjacents aux voies optiques et/ou au tronc cérébral). Enfin, l’hadronthérapie est précieuse lorsque une approche chirurgicale de la tumeur est exclue car trop destructrice.
En raison de leur charge et de leur masse, les ions carbone notamment * ont des caractéristiques radiobiologiques intéressantes : ils peuvent induire dans les cellules tumorales ciblées des dommages 2 à 4 fois plus importants que les rayons X.
Une autre spécificité de l'hadronthérapie est liée à la sélectivité spatiale des protons et des ions carbone. Celle-ci permet d'augmenter la dose délivrée sur la cible, tout en préservant les tissus sains environnants. Les limites de tolérance des organes voisins ne sont pas dépassées. Il existe donc une relation directe entre l'augmentation de la dose délivrée à la cible tumorale et les dommages cellulaires potentiels attendus.
L'hadronthérapie, comme la radiothérapie conventionnelle, est intégrée aux autres thérapies anticancéreuses dans le cadre d'une prise en charge multidisciplinaire. Il ne s'agit généralement pas d'un traitement de première intention mais une option thérapeutique après la chirurgie. C’est parfois une alternative à la chirurgie, dans les cas avancés, si le patient est jugé inopérable ou si l'opération risque d’être trop invalidante.
D’abord, je voudrais dire qu’il n'existe pas de critères absolus d'exclusion du traitement par hadronthérapie. Comme pour la radiothérapie conventionnelle, il faut simplement que le patient soit coopératif et capable de rester immobile pendant la séance. Nous disposons de de systèmes d'immobilisation sur-mesure, adaptés pour chaque patient à la zone traitée.
La séance dure en moyenne 20 à 25 minutes. Ce temps comprend les vérifications avant traitement, c'est-à-dire le contrôle radiologique (bidimensionnel ou volumétrique) pour s’assurer que la position du patient est conforme à celle de la séance de simulation.
Ensuite, la durée de délivrance du faisceau varie selon le nombre de localisations traitées (généralement deux ou trois), le type de cible (statique ou mobile) et son volume.
Ce sont les tumeurs de la tête et du cou (glandes salivaires, sarcomes) ainsi que celles de la colonne vertébrale et de la région thoracique et abdominale (sarcomes). Nous traitons aussi des maladies neuro-oncologiques (méningiomes intracrâniens et chordomes) et des mélanomes oculaires.
Plus de 3.700 patients ont déjà été traités, dont 3.400 venant d'Italie, essentiellement [le CNAO est l’un des rares centres d’hadronthérapie en Europe, la France par exemple n’en dispose pas].
En moyenne, le CNAO traite 50 patients par jour. Le délai avant la première consultation est d’une à deux semaines, puis une séance de simulation est proposée deux à trois semaines plus tard. C’est ensuite le même délai, deux à trois semaines, avant la première séance d’hadronthérapie proprement dite. La liste d'attente est réajustée en fonction de la technologie requise, du diagnostic histologique et de l'urgence clinique.
L'orientation du patient vers le CNAO se fait après discussion du cas par les conseils pluridisciplinaires des centres anticancéreux référents, avec lesquels le CNAO collabore. Nous participons aux réunions hebdomadaires de ces centres. C'est notamment le cas pour les cancers de la tête et du cou, les sarcomes, la neuro-oncologie et la gastro-entérologie.
De nombreux collègues d'autres structures nous envoient des patients pour évaluation, en contactant directement les référents de la pathologie concernée. Enfin, certains patients nous envoient directement leur dossier médical : après évaluation, nous les adressons aux médecins spécialisés dans la pathologie concernée. À l'avenir, grâce à la mise en place des réseaux d'oncologie, cet accès «direct» devrait se raréfier.
À la fin du traitement, les patients font l'objet d'un suivi clinique et radiologique au CNAO, avec des délais différents selon la pathologie sous-jacente. Ce suivi est intégré au suivi clinique par le spécialiste référent (chirurgien et oncologue) et/ou l'équipe référente, afin d’assurer une prise en charge intégrée et pluridisciplinaire.
Le CNAO place la recherche en tête de ses priorités. Les principales études actives sont :
Le CNAO collabore déjà avec certains des principaux centres d'oncologie italiens. Nous utilisons aussi des outils numériques, dont une plateforme en ligne dédiée aux médecins radiothérapeutes qui travaillent dans les hôpitaux de Lombardie. Cette plateforme leur permet de partager des informations sur les cas cliniques et de faire des vidéo-consultations.
Nous avons également activé «DOT-to-DOT», un chat crypté qui permet aux médecins spécialistes d'entrer en contact avec les radiothérapeutes du CNAO, pour demander l’évaluation d’un patient par exemple.
Les échanges entre spécialistes en oncologie pourront se développer de plus en plus, notamment grâce à la mise en œuvre du Réseau national sur les tumeurs rares [Rete nazionale tumori rari].
Il existe des collaborations permanentes avec de nombreux centres de recherche européens. Le CNAO, par exemple, est le partenaire principal de HITRIPlus (Heavy Ion Milan, Therapy Research Integration Plus), un projet soutenu par l'Union européenne qui réunit 22 universités et centres de recherche de 14 pays. Son but est de promouvoir le développement technologique de l'utilisation des ions carbone.
Le CNAO vient aussi de rejoindre Euracan (European Rare Adult Cancers Network), un autre réseau promu par l'Union européenne qui rassemble 75 centres d'oncologie hautement spécialisés de 24 pays. L'objectif est ici d'améliorer le diagnostic, le traitement et la recherche sur les cancers rares de l'adulte.
* Dans le cadre de l’hadronthérapie, les hadrons incluent les protons et les ions carbone.