Dans la plupart des pays, le système de santé publique présente une architecture pyramidale composée de trois lignes de soins. Les centres de santé de base, les hôpitaux régionaux, et les hôpitaux universitaires. Toutefois, ce système s’est montré insuffisant dans les pays pauvres à forte population rurale, surtout à cause de la grande dispersion géographique des villages et le manque de personnel médical qualifié . C’est ainsi qu’est né le modèle des agents de santé communautaire au Bangladesh et ensuite en Chine connus sous le nom des « médecins pieds nus », qui consiste en la formation de personnes dans chaque village, et qui offrent des services de soins de proximité.
S’inspirant des expériences internationales, le Rwanda a adopté le modèle des agents de santé communautaires, et le pays compte aujourd’hui plus de 45 000 ASC couvrant plus de 14 800 villages. Chaque village choisit quatre citoyens, généralement avec un niveau bachelier, qui reçoivent une courte formation médicale en gynécologie, pédiatrie et les maladies infectieuses. Les ASC sont par conséquent sollicités par les membres de la communauté en cas de maladie. Par ailleurs, les ASC organisent des campagnes de vaccination et de sensibilisation. Le ministère de santé publique offre un téléphone mobile de travail aux ASC leur permettant d’appeler les centres de santé de base et les hôpitaux pour demander des conseils ou transférer un patient. Il est à noter que les ASC sont bénévoles et sont récompensés par un système de paiement pour services rendus (Pay for Performance).
Pour mieux comprendre leur rôle, je me suis entretenus avec un volontaire qui travaille dans un village près de Butare. Après une certaine méfiance, Janine (faux nom) a finalement accepté de me livrer son témoignage. Janine est une jeune femme de 28 ans, qui maitrise aussi bien l’anglais que le français. Elle a commencé son bénévolat en tant qu’agent de santé communautaire il y a cinq ans. Dans son village elle est très respectée et souvent sollicitée pour ses services par toutes les tranches d’âge. « Au début les gens préféraient aller voir le guérisseur du village, mais peu à peu, moi et mes collègues sommes arrivés à gagner la confiance de notre communauté et les gens nous appellent pour toute sorte de maladies. J’ai accepté ce volontariat parce que je m’intéresse au corps humain et que j’aime bien servir ma communauté, révéla-t-elle. Cependant, il nous manque la formation continue surtout en terme de gestion des maladies chroniques. Par ailleurs, nous sommes très peu payés et le gouvernement ne nous paie même pas notre mutuelle. C’est bien frustrant quand c’est à nous d’aller convaincre les gens à s’enregistrer dans une mutuelle. Moi je pense quitter le programme bientôt car je voudrais poursuivre des études d’infirmière pour avoir une meilleure rémunération et une formation plus approfondie. »
La politique de former et d’engager des ASC au Rwanda s’est montrée un choix judicieux, surtout qu’il a énormément contribué à la réduction des taux de mortalité chez les mères et leurs enfants, de l’incidence du VIH et du Paludisme, et surtout de la malnutrition dans les zones rurales . Cependant, il faudrait remédier aux problèmes des ASC, en assurant une formation continue, en améliorant leurs conditions de travail, et surtout en instaurant un système de récompense mieux adapté à leurs rendements.
Texte : esanum / ab
Photo : ab
Sources :
[1] World Health Organization, 2006. The World Health Report 2006: working together for health. Geneva, WHO Press.
[2] Siraj, S.; F. Shabnam; C. S. B. Jalal; A. A. Zongrone; K. Afsana (2010). “”Shasthya Shebika’s” Role in Improving Infant and Young Child Feeding Practices in Rural Bangladesh: BRAC’s Experience”. Geneva Health Forum.
[3] WHO Country Cooperation Strategy 2014-2018 Rwanda