Le Truvada est un médicament commercialisé par le laboratoire américain Gilead. Il est indiqué comme traitement antirétroviral contre le VIH-1 et VIH-2, mais aussi, comme traitement de prévention à l’infection au VIH pour les populations à risque.
Il est composé de deux molécules antirétrovirales : l’emtricitabine et le fumarate de ténofovir disoproxil (ou simplement ténofovir), deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (NRTI). L’emtricitabine est un analogue de la cytosine, qui, après phosphorylation, inhibe la transriptase inverse et la réplication de l’ADN. Ainsi il bloque la multiplication du virus s’il a pénétré dans la cellule et empêche sa dissémination. Le ténofovir agit de la même manière, sauf qu’il est un analogue du dATP.
Ce médicament est autorisé depuis 2012 par la FDA aux États-Unis comme prophylaxie pré-exposition (abrégé PrEP), donné aux séronégatifs, par prévention. La France devient le premier pays européen à l’autoriser pour cette indication.
La mise sur le marché du Truvada pour la PrEP fait suite à une grande mobilisation de chercheurs et d’associations pour prévenir le SIDA sur les populations à risques. Elle a été notamment réclamée par AIDES, qui s’inquiétait de voir ce médicament refusé malgré les preuves scientifiques de son efficacité.
Des études ont été menées pour déterminer l’efficacité du traitement. En France, une étude nommée Ipergay, financé par l’ANRS (L’agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales), a conclu à une efficacité de 86%. Elle a été menée sur quatre cent quatorze hommes homosexuels, et consistait à prendre “deux comprimés entre vingt-quatre et deux heures avant des rapports, suivis d’un comprimé immédiatement après le dernier rapport puis d’un quatrième comprimé quarante-huit heures plus tard”. Une autre étude, PROUD, menée au Royaume-Uni cette fois, obtenait une efficacité de 83%. L’efficacité effleurerait même les 100%, si le schéma thérapeutique est scrupuleusement respecté ! À San Francisco, depuis la mise sur le marché du médicament, on note une baise de 30% de la prévalence du SIDA.
Cependant, il ne doit être prescrit qu’aux populations jugées les plus à risque. Les homosexuels hommes ayant plus de deux partenaires sexuels différents par mois, les transsexuels avec des conduites sexuelles à risque, les toxicomanes, les prostituées et les migrants d’Afrique subsaharienne (où l’infection au VIH est très répandue) sont concernés. Il n’est pas question d’en faire une systématisation : il doit être prescrit au cas par cas, selon les pratiques et les risques de chaque individu.
Le Truvada ne fait néanmoins pas l’unanimité. D’abord par ces effets indésirables : il peut provoquer nausées, migraines, pertes de poids voire, plus graves, de l’acide lactique, une hépatomégalie et une insuffisance rénale.
Ensuite, il est accusé d’encourager une substitution au préservatif. Une enquête menée à San Francisco sur quatre-vingt-dix hommes homosexuels ont montré une baisse de 45% de l’utilisation du préservatif. Le Truvada ne protégeant en aucun cas des autres IST (syphilis, chlamydiae, hépatites…), il ne faut pas que le message reçu par les patients soit une incitation à oublier le préservatif, ni d’avoir d’autres comportements à risque.
La méthodologie de l’étude Ipergay a aussi été critiquée par certains scientifiques, notamment sur la taille de l’échantillon utilisé. Le Truvada, pour être efficace, ne doit jamais être oublié, ce qui peut être contraignant pour les patients, et demande une éducation thérapeutique.
Enfin, le coût de ce médicament fait débat : 536,36 euros la boite de trente pilules. Soit dix mille euros par an. Les médecins favorables à la PrEP répondent que ce coût, certes important, sera toujours moins élevé qu’un suivi thérapeutique pour les personnes à risque et la mise en place d’une trithérapie pour les séropositifs, et permettrait donc une économie au long terme.
En conclusion, bien qu’il ne fasse pas unanimité, le Truvada comme prophylaxie contre le VIH semble être une piste très intéressante dans la lutte contre le SIDA. Un générique est prévu d’ici 2016 ou 2017, ce qui permettrait de réduire les coûts du traitement. Dans tous les cas, il est un complément et surtout pas un substituant à l’utilisation du préservatif, à l’évitement des situations à risque et à un dépistage régulier. Rappelons que 6600 personnes se découvrent séropositives par an en France, soit dix-huit par jour.
Texte : esanum / sb
Photo : Marc Bruxelle