Cette répétition aurait comme objectif de renforcer ces souvenirs. Ce processus normal peut être perturbé chez les personnes épileptiques, et pourrait ainsi brouiller les souvenirs.
Les résultats de ce travail conduit par la neuroscientifique Jessica Creery et ses collègues de l’Université Northwestern à Evanston, Illinois a été présenté lors du congrès annuel de la Cognitive Neuroscience Society.
L’expérience consistait à forcer ce processus de répétition cérébral au cours du sommeil en mettant certains sons pendant que neuf personnes épileptiques étaient en train de mémoriser l’emplacement de certains objets communs sur un écran. Ces sons étaient ensuite reproduits plus tard pendant que ces sujets dormaient dans le but de rappeler les souvenirs qui leur sont associés.
Cette méthode de renforcement des souvenirs appelée réactivation ciblée de la mémoire a permis de produire comme prévu des résultats positifs chez cinq personnes qui n’ont pas eu de crise d’épilepsie pendant leur sommeil. Au réveil, ces sujets étaient ainsi capables de se souvenir des endroits respectifs des images des objets d’une meilleure façon que les personnes qui n’ont pas été réactivées pendant leur sommeil.
Par contre, le résultat était complètement inversé chez les sujets qui ont eu des crises épileptiques légères pendant leur sommeil. Ces dernières étaient détectées grâce à un enregistrement par des électrodes implantées au niveau du cerveau.
Chez ces personnes la réactivation ciblée de la mémoire a complètement détérioré la qualité des souvenirs, si bien que les souvenirs réactivés étaient plus faibles que ceux qui ne l’étaient pas chez ces sujets.
« La combinaison des crises d’épilepsie et la réactivation de la mémoire semble ainsi brouiller la mémoire, affirme Mme Creery, ce qui permet de penser que les crises accélèrent en quelque sorte l’oubli ».
Les résultats de cette recherche permettent d’élucider un nouveau mécanisme participant aux défauts de mémoire souvent retrouvés chez les épileptiques.
En effet, et bien que l’épilepsie ne se manifeste clairement que par des crises épisodiques (crises partielles ou générales), elle est en réalité une maladie plus globale du cerveau avec plusieurs symptômes. Les crises ne constituent réellement que la partie émergente de l’iceberg qui cache bien d’autres signes en dessous. Il est vrai que les connaissances en matière d’épileptologie ont bien évolué ces dernières années, mais restent encore à ce jour insuffisantes pour comprendre cette pathologie de manière fine et exhaustive.
Les enjeux sont très grands. D’une part 600 000 de personnes sont atteintes d’épilepsie en France dont la moitié sont des enfants et d’une autre part, un tiers de ces personnes ne répondent pas aux traitements présents actuellement. Les troubles qualifiés autrefois de comorbidités font aujourd’hui partie intégrante du syndrome épileptique, dont les troubles cognitifs et les troubles de la mémoire.
Ainsi et mis à part les effets secondaires des traitements médicamenteux antiépileptiques qui peuvent affecter la mémoire, le dysfonctionnement neuronal chez les personnes épileptiques peut être responsable d’une mauvaise qualité de mémorisation, de traitement des informations ou encore de perte de certains faits mémorisés avant, pendant ou entre les crises.
Sources : J. Creery et al. Hippocampal epileptic activity during sleep disrupts memory consolidation. Cognitive Neuroscience Society annual meeting, San Francisco, March 25, 2019.