(Par le Dr Marcus Mau)
En urologie, le psychisme masculin est encore trop peu considéré. Il a pourtant un effet sur le pronostic et les résultats, notamment dans le cas du cancer de la prostate (PCa).
En mars, plus de 13 000 urologues d'Europe, du Japon, de Chine, des États-Unis, d'Australie et de nombreux autres pays se sont réunis à Barcelone pour le 34e Congrès de l'European association of urology (EAU). À cette occasion, j'ai pris connaissance de trois articles traitant de la psyché masculine et de son influence sur l’évolution du cancer de la prostate. Tenir compte de l'état mental du patient … Une pratique qui pourrait s’avérer utile pour les deux parties.
Comme premier exemple, j'aimerais vous présenter une étude 1 portant sur les tests de personnalité chez les patients atteints de PCa. Entre un cinquième et un quart des hommes des pays industrialisés sont considérés comme névrosés, nous le savons. Quel rapport avec l'urologie ? Les hommes névrosés ont tendance à avoir davantage conscience des effets secondaires du traitement. Ils souffrent donc plus souvent de dysfonction érectile ou d'incontinence après une prostatectomie, donc leur convalescence est plus à risque. La prise en charge de ces hommes peut donc nécessiter un soutien psychologique.
Dans un questionnaire portant sur leur qualité de vie, les patients névrosés ont toujours obtenu un score inférieur d'environ 20 % à celui des patients non névrosés. De nombreux urologues ont jusqu'à présent supposé que les conséquences de la prostatectomie dépendent essentiellement de la technique chirurgicale et des autres pathologies du patient. Le fait que les traits de personnalité du patient ont une telle influence montre qu´il est désormais nécessaire d'examiner de plus près son psychisme.
Les auteurs de l'étude ont même suggéré qu'un test de personnalité soit effectué avant toute intervention afin de s'assurer que chaque patient bénéficie des soins et du soutien appropriés. Le point de départ d’une approche interdisciplinaire de la pris en charge du cancer de la prostate.
Une autre étude 2 rapportée de ce congrès va encore plus loin : les patients atteints d'un carcinome de la prostate, de la vessie ou des cellules rénales présenteraient un risque accru de mortalité s'ils souffraient de troubles de la santé mentale avant le début du traitement.
Les auteurs de l'étude ont inclus des données sur la santé mentale provenant de plus de 190 000 hommes atteints de tumeurs urologiques. Environ la moitié d’entre eux avaient déjà reçu un traitement psychiatrique au cours des cinq années précédant le diagnostic de cancer. Le risque de mortalité des patients dépend également de la gravité de la déficience mentale : par exemple, le risque de mortalité d'un homme atteint d'un cancer et qui a déjà été traité à l'hôpital pour des problèmes de santé mentale est environ 1,78 fois plus élevé.
Une autre résultat de cette étude est particulièrement intéressant. Elle montre que si le taux de suicide est généralement accru de 16 % après un diagnostic de cancer, cette augmentation peut atteindre 39 % chez les patients présentant des antécédents psychiatriques.
Une étude danoise 3 portant sur 5 570 hommes ayant subi une prostatectomie a quant à elle montré que si 773 d’entre eux ont dû être traités ensuite pour dépression, ce n’était pas uniquement en raison des troubles de l'érection ou de l'incontinence. Ces patients ayant bénéficié de thérapies par déprivation d'androgène (ADT) ont développé des symptômes psychologiques liés à une déficience en testostérone. Les hommes traités par TDA présentaient un risque de dépression 1,8 fois plus élevé que ceux ayant subi une prostatectomie sans TDA associée.
Ces trois exemples tirés des travaux du récent congrès de l'EAU à Barcelone montrent à quel point il est crucial de prendre en compte la santé mentale des patients suivis en uro-oncologie. Les troubles mentaux et les dépressions soit préexistants, soit résultant du diagnostic ou du traitement diminuent l’espérance de vie du patient ou, a minima, peuvent réduire ses chances de récupération rapide et sa qualité de vie.
Références :
1- Axcrona EJK et al, Les effets indésirables après prostatectomie radicale sont fortement associés au trait de personnalité de la névrose. EAU 2019
2- Klaassen Z et al, Utilization of psychiatric resources prior to genitourinary (GU) cancer diagnosis : Implications for survival outcomes. EAU 2019
3- Friberg AS et al, The hazard of depression after radical prostatectomy - A nationwide registry-based study. EAU 2019