- Goh, N., et al. (2024). Large Language Model Influence on Diagnostic Reasoning. JAMA Network Open, 7(10), e2440969. doi:10.1001/jamanetworkopen.2024.40969
L'étude s'est basée sur six vignettes de cas particulièrement complexes issus d'une base validée de 105 cas cliniques. Voici un exemple de cas choisi : un patient de 76 ans présente des complications post-interventionnelles après une angioplastie par ballonnet. Il se plaint de douleurs dorsales intenses, de fièvre et de fatigue. Le diagnostic correct - embolie de cholestérol - a été posé avec précision par l'IA.
Deux obstacles majeurs ont été identifiés. Le premier est l'utilisation sous-optimale des fonctionnalités de l'IA. Plutôt que de fournir à l'IA une description exhaustive des cas cliniques, de nombreux médecins se limitent à lui poser des questions isolées. Le second est la tendance marquée des praticiens à s'en tenir à leurs hypothèses diagnostiques initiales, même lorsque l'analyse IA leur propose des diagnostics alternatifs largement plus plausibles.
L'analyse du temps de diagnostic révèle des nuances intéressantes : alors qu'une IA met en moyenne 519 secondes pour poser un diagnostic, les méthodes conventionnelles en nécessitent 565. Cette différence est modérée. Elle indique que l'apport majeur de l'IA ne réside pas dans sa rapidité, mais dans sa précision.
Les résultats de l'étude soulignent la nécessité d'un changement structurel de la routine clinique. L'intégration de l'IA ne se limite pas à la simple installation d'un nouvel outil dans un cabinet médical ou à l'hôpital. Il est essentiel de développer des stratégies d'implémentation, incluant des processus standardisés. L'incorporation de bibliothèques de prompts validés dans les protocoles cliniques pourrait grandement améliorer l'efficacité de l'IA tout en réduisant les erreurs d'utilisation.
La formation continue des médecins mérite aussi d'être repensée. Les programmes devraient désormais inclure la maîtrise technique des outils d'IA, tout en encourageant la compréhension critique quant à ses capacités et ses limites. Cela permettrait aux médecins d'exploiter son potentiel, tout en restant vigilants face à ses limites.
Les résultats de cette étude doivent être nuancés. Les conditions expérimentales sont bien différentes de la réalité clinique, où les médecins font face à des anamnèses incomplètes, des tableaux symptomatiques contradictoires et des situations nécessitant des décisions rapides.
L'implantation de l'IA en médecine ne peut se faire sans une approche équilibrée. En tant qu’outil d'aide au diagnostic, elle offre des perspectives prometteuses pour affiner les hypothèses diagnostiques et explorer des pistes différentielles. Néanmoins, la décision finale doit demeurer entre les mains des médecins, appuyée sur leur expérience clinique, les données probantes et leur relation personnalisée avec le patient. Le défi réside bien dans une intégration intelligente et réfléchie de cette technologie dans la pratique quotidienne.