« Le changement climatique est la plus grande menace pour notre santé au 21ème siècle ». Le constat des experts réunis à Berlin pour le Sommet mondial de la santé (World Health Summit – WHS) est sans appel.
Le Sommet mondial de la santé s'est déroulé pour la première fois en 2009. Il se tient sous le haut patronage d' Angela Merkel, d' Emmanuel Macron, de Jean-Claude Juncker et du Directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus. Cette année le WHS réunit environ 2 500 participants issus de 100 pays, dont une vingtaine de ministres.
L'Alliance M8 est le réseau composé d'institutions académiques qui organise ce sommet. Il compte désormais maintenant 28 membres - dont l'Université Sorbonne-Paris-Cité - dans 19 pays. L'InterAcademy Partnership for Health, qui représente les académies nationales de médecine et de sciences de 130 pays, est un autre de ces membres.
L'Accord de Paris sur le climat (2015) stipule que le réchauffement de la planète doit être contenu à 1,5 degré afin d’en limiter les conséquences. Les prévisions publiées fin septembre - auxquelles ont participé une centaine de chercheurs CNRS, du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et de Météo-France - font état d’une élévation des températures de plus de trois degrés d’ici 2100 au vu des engagements pris pour l’instant par les États. Le professeur Detlev Ganten, Président de ce WHS a demandé que la protection du climat devienne un mot d’ordre général.
Eckart von Hirschhausen, médecin et modérateur pendant le WHS, également membre de Scientist for Future, est lapidaire : « Nous n'avons pas à sauver le climat, nous devons nous sauver nous-mêmes. Parce qu'il ne peut y avoir de personnes en bonne santé que sur une planète qui l’est aussi. »
L’élévation du niveau de la mer et les phénomènes météorologiques extrêmes – inondations, vagues de chaleur, etc. – ont des conséquences immédiates : destruction des infrastructures, pénuries en eau et nourriture, instabilité politique, conflits autour des ressources, déplacements de population. Autant d’éléments qui impactent profondément et durablement la santé humaine.
Michael Ryan, directeur exécutif du programme d'urgences sanitaires de l'Organisation mondiale de la Santé, alerte également sur le lien immédiat entre les variations climatiques et la propagation de certaines maladies. « Une grande partie de celle-ci est influencée par les précipitations et les températures. Les virus et leurs vecteurs sont très sensibles à l'humidité. Nous avons constaté cette année des épidémies de dengue un peu partout dans le monde. De même, les maladies liées à la sécheresse sont une préoccupation. Il y a un an, nous avons eu un cyclone majeur au Mozambique. Une semaine après le cyclone, nous avons eu une grave épidémie de choléra. » Suite aux pluies diluviennes qui ont récemment causé de graves inondations en Afrique, les autorités redoutent d’ailleurs des épidémies de choléra et de paludisme.
Selon Hirschhausen, les médecins ont une obligation particulière puisque « Tous les professionnels de la santé ont accepté la tâche de protéger des vies et de signaler les dangers pour la santé. [Ils] ont un rôle important à jouer, en tant qu’acteurs centraux de la communication au sein de la société. »
Sabine Gabrysch, médecin et épidémiologiste, est professeur à l’Hôpital universitaire de la Charité (Berlin) et au Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK). Spécialiste des liens entre le changement climatique et la santé, elle souligne que certaines mesures atteignent un double-objectif. « Si nous réduisons notre consommation de viande, ce sera bon pour notre santé et pour le climat. » Elle suggère d’ailleurs que les cantines et les hôpitaux montrent l’exemple. Sabine Gabrysch ajoute : « En outre, cela préserverait les énormes surfaces nécessaires à la production de viande. Diviser la quantité de viande consommée par deux, et doubler celle de légumes, cela représentent un quadruple gain : pour notre santé, pour le bien-être animal, pour la diversité des espèces et pour le climat. » Pour elle, cela ne doit pas être considéré comme un renoncement, mais comme un gain, en l’occurrence la possibilité d’avoir un environnement plus sain et des personnes en meilleure santé.
Les futurs médecins sont très conscients de l’enjeu qui les attend. Sylvia Hartmann, de la Représentation fédérale des étudiants en médecine (Bundesvertretung der Medizinstudierenden in Deutschland – BVMD) a ainsi demandé que le thème du changement climatique et de la santé soit inclus dans les programmes de toutes les professions médicales. « Nous en apprenons beaucoup trop peu à ce sujet pendant nos études » regrette-t-elle.
« Chaque médecin, chaque infirmier.e peut faire quelque chose, comme chacun d'entre nous » a conclu M. Hartmann, invitant le secteur de la santé dans son ensemble à s’engager davantage.