Docteur Bernard KRON, Membre de l’Académie Nationale de Chirurgie
Ces interventions étaient l’apanage des gynécologues, spécialité que les chirurgiens méprisaient, bien à tort…
Cette exploration avait trois inconvénients :
-Seul le chirurgien pouvait voir ce qu’il faisait.
-Une de ses mains était inutilisable pour opérer.
-Les conditions d’asepsie n’étaient pas optimales.
La French Revolution est une métaphore à propos de cette technique. Elle a été prononcée pour la première fois par un chirurgien américain lors d’un congrès aux États-Unis en 1987. Elle en illustre l’impact mondial qui peu à peu a permis de pratiquer la plupart des interventions abdominales et pelviennes sans ouverture. En effet, tout a changé avec l’apparition des caméras vidéo miniaturisées adaptables sur l’optique. Les conditions d’asepsie chirurgicale sont totalement respectées. L’optique et la caméra peuvent être manipulés par l’aide, le chirurgien retrouve ainsi ses deux mains pour opérer et la robotique la rend encore plus performante.
Les interventions cœlioscopiques ont été longues à se développer car elles étaient très compliquées, faute d’instruments adaptés. Cela exigeait une réelle dextérité et plus de temps mais grâce à elle ce ne sont plus les organes du malade qui sortent de la cavité abdominale mais le chirurgien qui y « pénètre » pour les traiter. Toute l’équipe peut suivre l’intervention sur un écran de télévision. Elle peut même être enregistrée sur un support magnétique ou informatique dans un but pédagogique ou médico-légal.
Le Docteur Philippe Mouret, promoteur français de cette technique a raconté comment il a développé ces techniques : « En 1968, je me suis rapproché de deux gynécologues lyonnais, Yves Rochet et Michel Cognat… » « J’ai mis la cœlioscopie en pratique pour écarter un diagnostic d’appendicite. Ces tentatives ont été très mal perçues par mes confrères chirurgiens, car pour eux c’était une aberration». En mars 1972 il réalise la première intervention sur un adolescent qui souffrait d’une occlusion intestinale : « Au cours de mon observation par cœlioscopie, j’ai décidé de couper la bride qui serrait l’intestin, ce qui a guéri mon patient». En 1983 il réussit une première appendicectomie sous cœlioscopie, puis en 1987 ce fut une première mondiale avec une ablation de la vésicule biliaire. Il fut considéré à Lyon comme un illuminé, mais un an plus tard il était invité à un forum scientifique et ce fut un déclic national.
Je rencontrerai Philippe Mouret quelques années plus tard à Valence lors d’un symposium sur les hernies auquel je participais. J’étais invité par Edmond Estour fondateur du Journal Européen de Cœlio-chirurgie. Il me fit entrer au conseil scientifique.
Le compagnonnage avec quelques promoteurs de cette technique permit à un petit nombre de chirurgiens libéraux, dont je suis fier d’avoir fait partie, d’oser commencer. Il y avait en effet à cette époque, de la part des chirurgiens hospitaliers, une levée de boucliers contre cette technique. Il y eu donc un grand retard dans les milieux hospitaliers pour l’enseigner et la développer. Mais depuis grâce à ces évolutions la chirurgie ambulatoire a pris son essor!
Texte : bk / esanum
Photo : nimon /Shutterstock