Cette 4e catégorie d’usagers de la voie publique doit désormais trouver sa juste place aux côtés des véhicules à moteur, des vélos (dont les électriques) et des piétons. Détail primordial : parmi ces derniers figurent les « smombies » - smartphones zombies - si accaparés par leurs écrans qu’ils en oublient leur environnement.
Si en France le vide juridique les concernant ne les empêchait pas de circuler, les trottinettes électriques ne fleurissent par contre dans les rues allemandes que depuis le 15 juin.
En septembre 2019, une législation spécifique s’appliquera donc en France pour les trottinettes électriques, renforcée selon les villes par des règlementations locales. Utilisation à partir de 8 ans, casque obligatoire pour les moins de 12 ans, vitesse limitée à 25 km/h, interdiction d’avoir des écouteurs ou de circuler à deux sur la trottinette. Il sera également interdit de circuler sur le trottoir sauf si la trottinette est poussée avec le moteur éteint.
En Allemagne, l’âge minimum est de 14 ans, et le port du casque est recommandé mais non obligatoire. La vitesse est limitée à 20 km/h. Les engins doivent disposer de 2 freins indépendants. Les utilisateurs doivent prévenir d’un changement de direction en tendant le bras. II est obligatoire de rouler sur les pistes cyclables ou à défaut sur la route. Il est donc strictement interdit de circuler sur les trottoirs, même moteur éteint, ni de rouler de front.
Principale différence avec la France, il est interdit de circuler en Allemagne avec un modèle de trottinette non homologué par la « Kraftfahrtbundesamt », une autorité fédérale. La majorité des trottinettes vendues en Allemagne, non conformes à cette exigence, n’ont donc pas le droit de circuler sur la voie publique. Enfin, une assurance responsabilité civile est obligatoire, comme en France, mais une vignette en attestant doit de plus être collée sur l’engin.
Les sanctions sont plus clémentes en Allemagne : 15 € en cas de conduite sur le trottoir, 25 € pour une conduite dangereuse, 110 € pour l’utilisation d’une trottinette non homologuée ou assurée. En France, il en coûtera 35 € en cas de non-respect des règles de circulation, 135 € pour une conduite sur le trottoir et 1 500 € pour une vitesse supérieure à 25 km/h.
Une enquête menée par le Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for disease control and prevention - une agence fédérale des États-Unis) a montré que moins de 1 % des utilisateurs portent un casque. D’après une étude 1, américaine elle-aussi, près de la moitié des victimes de ce type d’accidents ont présenté une lésion à la tête (fractures, écorchures) et 15 % des victimes ont souffert d'un traumatisme crânien.
Certains opérateurs se sont engagés à procurer gratuitement des casques : Lime promet ainsi d’en distribuer 250 000 dans le monde. Encore faudra-t-il que les usagers acceptent le transporter en permanence avec eux. « Qui porte un casque avec lui ? [toute la journée] » demande Oscar Guillamondegui, qui dirige l’unité de soins intensifs du Vanderbilt University Medical Center (Nashville, Tennessee). Pour ce médecin confronté à l'augmentation notable des blessures liées à des accidents de trottinettes électriques, la réponse est claire : « Je n'ai vu qu'une seule personne porter un casque. C'était mon fils, parce que je l'ai exigé. »
Les véhicules électriques ont un point commun : ils sont silencieux donc nécessitent de la part des autres usagers une vigilance oculaire constante. Par ailleurs, leur vitesse tend à augmenter alors que leurs conducteurs ne sont pas protégés. Cette vitesse est largement sous-estimée par les autres usagers. Enfin, les changements de direction sont imprévisibles.
Ce nouveau groupe d’usagers de la route doit davantage être pris en compte dans les infrastructures. « Plus les possibilités de mobilité multimodale augmentent, plus l'infrastructure a besoin d'évoluer » explique le Dr Christopher Spering, chef de la section prévention de la Société allemande d'orthopédie et de chirurgie traumatologique (DGOU) 2.
Cela inclut par exemple une meilleure séparation des quatre groupes d'usagers de la route avec un réseau de pistes cyclables qui devrait être considérablement étendu, et des pistes cyclables qui devraient être élargies.
En attendant, « Aucun usager de la route ne peut plus se permettre une seconde d'inattention, sinon de graves collisions sont inévitables » résume le Dr Spering qui évoque l’accidentologie liée à ces trottinettes : « Les piétons et les conducteurs [de trottinettes] sont particulièrement touchés et subissent des blessures très graves. »
Un constat partagé par le professeur Paul Alfred Grützner, président de la DGOU, à l'occasion de la publication des statistiques des accidents de la circulation en Allemagne pour 2018 (3 275 tués). Il a ainsi rappelé que « Chaque usager de la route est responsable de lui-même et des autres usagers. »
Port du casque, infrastructures, comportements des autres usagers, etc. Un facteur psychologique de cette accidentologie spécifique reste à étudier. La trottinette est encore associée à l’enfance, à l’insouciance, à la flânerie cheveux aux vents et pensées à la dérive. Difficile dans cet état de rester alerte, prêt à stopper net un engin de 12 kg lancé à 25 km/h.
Sources :
1- Dockless Electric Scooter-Related Injuries Study
in collaboration with Austin Public Health and the Centers for Disease Control and Prevention - mai 2019
2- German Society for Orthopedics and Trauma Surgery (Deutsche Gesellschaft für Orthopädie und Unfallchirurgie e. V.) / lh