La fin du Numerus Clausus est-elle une bonne idée ?

Alors qu'Emmanuel Macron vient de présenter le nouveau Plan Santé, le Dr Bernard Kron revient sur l'annonce majeur faite par le président de la République : la fin du numerus clausus.

Notre Président vient de présenter son plan santé.

Ce plan repose sur un diagnostic : la pénurie de médecins ! Il fait comme nous tous, une bonne description des causes : l’incurie de la politique de santé menée depuis des dizaines d’années avec un numerus clausus trop serré.

Des dizaines de milliers de soignants formés à l’étranger sont venus boucher quelques trous mais certains sont mal formés, d’autres sont repartis !

Notre pays a connu le meilleur système de soins au XXème siècle. Celui-ci va imploser, car ce plan ne contient aucun des éléments clés de transformation ou d’adaptation de notre système de santé.

Comme le dit Frédéric Brizard, "c’est un formidable exemple d’autisme étatique et d’incapacité à tirer les leçons des échecs des dernières lois de santé."

Le système de santé est au bord de l’implosion à qui la faute ?

C’est donc l’Etat et ses fonctionnaires qui sont défaillants !

Comment résoudre cette équation ?

Supprimons le Numerus Clausus et nous auront plus de médecins !  

Hé bien non ça ne marche pas comme cela !

Pourquoi ? L’Etat avec sa technostructure a progressivement envahi toutes les sphères de la santé. Il est le responsable de la crise, car il veut tout administrer !

L’administration a asphyxié l’hôpital public de procédures et de dirigisme technocratique. Les agences étatiques des régions (les 26 ARS) ont gelé les installations de nouveaux médecins et ont participé à la désertification médicale avec la fermeture de centaines de cliniques qui assuraient les urgences et les soins de proximité.

Le plan présenté ce jour par le Président de la république va terminer la planification étatique dans les territoires.

Son ordonnance avec 50 mesures est floue. Et quand c’est flou y a un loup, et ce sera un loupé !

Son traitement est un saupoudrage homéopathique : il sera couteux et peu efficace, car les principaux piliers de la transformation de la santé ne sont pas traités.

La suppression du Numerus Clausus pour 2022

C’est une réforme faite à l’envers !  

Le Syndicat national des jeunes généralistes (SNJMG) comme nombre des sachants se montre des plus réservé sur la logique réformatrice : ‘Ces réformes sont faites à l’envers on veut monter les murs et faire le toit sans refonder le système.’

Ainsi  après ‘La réforme (imparfaite) du 3e cycle des études médicales on nous annonce la fin du numerus clausus pour la rentrée 2020 alors que la réforme du 2éme cycle qui forme la clinique n’est pas envisagée !

C’est prendre le problème à l’envers, car il faudra attendre 10 à 12 ans pour voire les effets de la fin du Numerus Clausus

Seule la réforme glboale des études médicales pourrait apporter des solutions à la pénurie.

La mise en place d’une ‘sélection dissimulée, saucissonnée en plusieurs examens étalés dans le temps, sur des critères plus ou moins aléatoires’ sera nécessaire, car chaque année entrent en médecine plus de 60 000 candidats en faculté.

Ainsi la suppression du Numerus Clausus, ne changera pas la donne si l’on ne réforme pas les 2éme et 3éme cycle : La sélection sera nécessaire, car trop d’étudiants font médecine.

Les étudiants passeront, comme partout ailleurs, des partiels, qui leur permettraient d’accéder à la deuxième année. Rien n’est dit comment se fera ensuite la sélection.

Comment éliminer ensuite ceux qui ne s’adapteraient pas à ces études ?

Le deuxième cycle des études de médecine

Sur la formation, rien n’est dit.

Il faudrait créer des écoles de médecine générale et de soins ambulatoires en orientant les 2/3 des étudiants vers ces filières. Incitations, bourses stages en ville denses.

L’ECN offrira combien de postes à la sortie ? On parle de 8 à 10 000.

Rien n’est dit sur la durée de l’Internat de Médecine Générale. Quatre ans, c’est trop long : cela porte à 10/12 ans la durée des études pour un généraliste, c’est trop ! 

Les autres mesures d’accompagnement de la suppression du NC doivent être évoquées :

L’entrée en faculté sera-t-il libre ? Les filières du bac scientifique seront-elles revues ?

La découverte des territoires lors des études est primordiale pour une future installation.

Quoi de mieux pour cela que les stages en ambulatoire au sein de maisons de santé pluridisciplinaires ou en clinique.

Création d’un nouveau métier : l’assistant médical

Sa vocation serait de soulager les médecins libéraux de certaines tâches afin qu’ils puissent mieux se consacrer aux patients durant les consultations. 

L’Etat veut en recruter 4 000 dès 2019. Coût de la manœuvre, 200 millions €, a confirmé l’Elysée lundi soir. Concrètement, cet assistant pourrait se charger de l’administratif, gérer les télétransmissions en fin de consultation par exemple ou réorienter un patient vers un autre spécialiste au besoin.

Pour permettre aux médecins volontaires de rémunérer ces assistants, l’Etat est prêt à débloquer une enveloppe de 4 600 euros maximum par médecin dès l’an prochain. En contrepartie, ces derniers devront s’engager à soigner un nombre plus important de patients.

Est-ce que la création du métier d’assistant médical est une bonne chose ?

Non Il serait plus utile de s’attaquer à la simplification administrative.

Est-ce que certains cabinets de médecins auraient la possibilité d’embaucher un assistant sans l’aide financière de l’Etat ?

On a fait des expériences et certains cabinets le font déjà. C’est extrêmement difficile. Ça oblige ces médecins à partir vers une ‘course à l’acte’ pour payer l’assistant médical.

Les médecins sont-ils prêts à déléguer les tâches dévolues aux assistants médicaux ? Quid des responsabilités en particulier pour la chirurgie ?

Le thème des assistants médicaux est un formidable piège. 

L’idée est de subventionner du personnel mi- administratif, mi- infirmier en contrepartie d’une exigence d’augmenter le nombre d’actes, d’accepter plus de contraintes administratives, notamment l’ouverture des cabinets jusqu’à 22 heures. Il faudrait que les internes de médecine jouent ce rôle ce qui précéderait leur installation.

Avec sa réforme, l’Etat veut mettre sous tutelle la médecine libérale au prétexte d’améliorer l’accès aux soins

Les communautés professionnelles territoriales de santé : le plan propose la généralisation d’une mesure de la loi Touraine de 2015. En rattachant ces CPTS au système hospitalier, qui n’a rien à faire dans une organisation ambulatoire de premier recours, l’Etat met la médecine de ville sous la tutelle des groupements hospitaliers territoriaux, et donc dans les mains des ARS.

La médecine de ville, à dominance libérale, représente un des derniers îlots d’autonomie des professionnels de santé, en contrepartie d’une pleine responsabilisation de leurs actes.

La médecine de ville française est la plus ‘coût-efficace’ au monde avec une part de 28 % des dépenses de santé totales contre 33 % en moyenne dans l’OCDE.

Alors on continue d’aller dans le mur.


Ce sujet sera l’objet de l’émission sur Sud Radio le 24 Septembre à 12 h 30 : "La fin du Numerus Clausus est-elle une bonne idée ?" Avec André Bercoff dans tous ses états.