La fibromyalgie touche 2 à 3 millions de Français dont 75% sont des femmes. Elle apparaît à tout âge mais surtout entre 30 et 50 ans. Il y a donc de nombreux patients qui exercent une activité professionnelle, ce qui s’avère parfois compliqué voire impossible ou peut aggraver leur état de santé.
Avant tout cette pathologie se manifeste de manière invisible extérieurement. Des tentatives pour rationaliser les signes cliniques ont abouti aux critères diagnostiques de l’ACR (American College of Rheumatology) en 1990. Ils se basent sur l’identification de points douloureux précis sur l’ensemble du corps; étant difficiles à appliquer par les non spécialistes, une méthode diagnostique simplifiée a été élaborée en 2010 par l’ACR. Ce nouveau système ne tient plus vraiment compte du repérage manuel des points douloureux mais utilise l’autoévaluation des douleurs par le patient et de la présence de symptômes typiques de la maladie (fatigue, sensation de non-repos au réveil et symptômes cognitifs) et leur sévérité (de 0 à 3). Il s’agit du score WPI (Widespread Pain Index) combiné à un score de sévérité des symptômes.
Actuellement, il n’existe aucun facteur causal direct connu mais seulement de multiples hypothèses. Chez certains patients un accident de voiture, une infection, une intervention chirurgicale ou encore une maladie chronique (arthrite rhumatoïde, hypothyroïdie…) peuvent marquer le début de la maladie. D’autre part, certaines familles sont particulièrement atteintes et il existe des cas de transmission mère-fille, c’est pourquoi certains chercheurs se penchent sur d’éventuels facteurs génétiques.
Encore aujourd’hui, aucun des traitements prescrits par les médecins ne répond à l’indication “fibromyalgie”. Et pour cause, il n’existe pas de recommandation systématique concernant le traitement de ce syndrome aux présentations cliniques très variées. Les médecins s’adaptent donc en préconisant des traitements symptomatiques allant des AINS, aux corticoïdes jusqu’aux anxiolytiques, etc…
La classe médicamenteuse la plus prescrite reste les antalgiques (dans 50% des cas) car le symptôme récurrent est la douleur chronique, suivis des antidépresseurs dans un tiers des cas et des anti-épileptiques pour 25% des patients, car ils diminuent le seuil d’excitabilité des nerfs conduisant la douleur.
En revanche aux Etats-Unis, la prégabaline (en 2007) et la duloxetine, un antidépresseur, (en 2008) ont été autorisées pour l’indication “fibromyalgie” par la FDA (US Food and Drug Administration). Enfin en 2009, le milnacipran (inhibiteur mixte de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) a été autorisé sans que le mécanisme d’action ne soit bien compris.
En effet, la prescription de médicaments qui réduisent certes les symptômes mais ne traitent pas la maladie en profondeur peut apporter plus de risques que de bénéfices, car ils sont souvent pris au long cours. En particulier les anxiolytiques (benzodiazépines notamment) peuvent remédier aux insomnies du patient mais aussi créer une dépendance et des troubles de la mémoire.
En 2014 à l’occasion du congrès de l’European League Against Rheumatism (Eular), le chercheur allemand Winfried Häuser a recommandé une approche graduelle dans le traitement de la fibromyalgie. Il s’agit de gérer les pathologies légères par une bonne activité physique et mentale avec un suivi médical régulier, et d’introduire des médicaments de manière ponctuelle si nécessaire sans prolonger les prescriptions. Il faut aussi prêter attention à l’impact psychologique de la maladie en surveillant l’apparition d’une dépression par exemple.
Certaines stations thermales françaises s’engagent aussi dans l’amélioration de la qualité de vie de ces patients grâce à des programmes de cure tels que “Fibr’eaux” à Dax qui est actuellement en cours d’essai .
Dans tous les cas, elle doit être prise en charge de façon individualisée et le plus souvent multidisciplinaire (rhumatologue, psychiatre, rééducateur, etc.).
En France, il n’existe aucune recommandation de bonnes pratiques professionnelles concernant le diagnostic, les modalités de prise en charge, les indications des traitements non médicamenteux et médicamenteux. C’est pourquoi de nombreuses associations revendiquent une plus grande reconnaissance de cette maladie pour obtenir un plus grand investissement humain et financier dans sa compréhension. Idéalement, elles souhaiteraient que la fibromyalgie devienne une affection à longue durée pour aider les patients financièrement (car toutes les thérapeutiques seraient alors prises en charge). Mais s’il n’existe pas de symptôme “visible” et objectif pour détecter la maladie, tout le monde pourrait prétendre être fibromyalgique…? En 2009, une circulaire mentionne la possibilité d’exonération du ticket modérateur pour des patients devant suivre un traitement coûteux prévisible plus de 6 mois.
Il faudrait également que l’indication “fibromyalgie” apparaisse dans les notices de certains médicaments. Cela encouragerait peut-être les industries pharmaceutiques à trouver des réponses thérapeutiques mieux adaptées à cette pathologie.
L’Académie nationale de médecine définit la fibromyalgie comme une « entité clinique, fonctionnelle, faite de douleurs diffuses chroniques », mais indique toutefois que « ce syndrome ne correspond pas à une maladie mais doit être évoqué sans polémique sur sa nature, pour éviter les examens et traitements inutiles. Il ne peut être retenu qu’après avoir éliminé des pathologies organiques avec lesquelles il peut être confondu ou associé ».