De la simple prise de sang à la ponction lombaire, ces fines tiges de quelques centimètres effraient la majorité des patients, et l’acte de piquer est souvent vécu comme un traumatisme profond. La bélénophobie, cette peur des aiguilles et des épingles, touche un public divers et varié. Le jeune enfant craintif, l’assassin impassible, le patient novice, et le patient aguerri ayant vécu les examens médicaux les plus invasifs se retrouvent à égalité devant la terrifiante aiguille.
Les aiguilles de l’horloges indiquent midi pile. Après avoir assisté à une formation pointue sur les différentes techniques de pointe de couture anastomotique digestives, nous retournons dans la salle de garde. Avec les autres stagiaires nous pique-niquons, quand soudain un interne se rapplique, il me pointe du doigt et dit : « Tu tombes à pic, Monsieur Lepique a besoin d’une prise de sang ». Ca c’est typique ! Une pause midi qui ne coule pas à pic, ce serait utopique.
Enfin, je vais trouver M. Lepique dans sa chambre. Mon arrivée pique sa curiosité et le détache des résultats des jeux olympique de l'Équipe. Monsieur Lepique ne supporte pas les piqûres. Comprenant la raison de ma venue, il marmonne d’un ton piquant : « Ha les stagiaires qui piquent, ils font mal, ils savent pas piquer, moi j’aime pas ça et j’en ai marre ! » Adoptant la tactique de l’excès de confiance, je lui réplique : « Pas de panique, on me surnomme l’as de pic ».
Alors je m’installe, je pose le garrot, je palpe, je tente de trouver la moindre des possibilités. Mais autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Les minces veines hypotoniques perdues dans l’opulence des bras de Monsieur Lepique n’offrent aucune certitude quant à la réussite de la prise de sang. Je pique, ça ne mord pas. Je pique une seconde fois. Toujours rien si ce n’est les plaintes du pauvre patient et une menace grandissante de malaise vagale. De seringue en aiguille me voilà à mon quatrième essais, j’abandonne.