De la télémédecine à la collecte et l’usage des données de santé, de l’IA aux objets connectés… Les technologies numériques transforment la pratique médicale. Ce n’est qu’un début : la e-santé et le métaverse progressent à une vitesse fulgurante. Or, il est impossible d’avoir recours à ces technologies sans y être formé.
Confrontés à un manque criant de formation initiale et continue, les professionnels de santé redoutent de perdre pied. Le besoin est gigantesque. Si les jeunes générations sont nées avec le numérique, sont-elles pour autant formées à son bon usage ? Sont-elles capables de faire face aux enjeux majeurs liés à la cybersécurité, nouveau talon d’Achille de notre système de santé ? Pour mémoire, le nombre de cyberattaques contre des hôpitaux a augmenté de 70% entre 2020 et 2021.
Quant aux professionnels de santé en exercice, ceux qui détiennent l’expérience, ils ont souvent – et urgemment – besoin d’une acculturation aux technologies numériques. Sans quoi, nous ne pourrons que contempler l’aggravation d’une fracture générationnelle.
À défaut d’être très en avance sur ces sujets, la France espère au moins contenir, voire rattraper, son retard. Sur les 650M€ alloués pour cinq ans à la Stratégie d’accélération santé numérique 1 (SASN) lancée à l’automne 2021, 73M€ étaient dévolus à la formation. Le sujet semble prioritaire : en novembre 2022, le coordinateur de la SASN a annoncé la mise à disposition d’une enveloppe supplémentaire de 48,4M€.
D’autres annonces récentes illustrent cette volonté de répondre à l’impérieux besoin de formation. Un décret 2 paru le 10 novembre 2022 dispose qu’une formation obligatoire de 28 heures sera dispensée, au cours de leurs trois premières années de formation, à tous les futurs professionnels de santé. Prévue pour la rentrée 2024, la mise en place de cette formation pourrait dans certaines facultés débuter dès l’année universitaire en cours. Chaque année, cet enseignement concernera entre 70.000 et 90.000 étudiants.
Le référentiel commun s'articule autour de cinq domaines de compétences : la donnée de santé (caractéristiques, réglementation, usage, accès, exploitation), la cybersécurité, la communication en santé (outils pour communiquer de manière sécurisée entre professionnels et avec les patients), les outils numériques en santé et la télésanté (approche réglementaire et usages).
Former les professionnels en exercice peut sembler plus complexe. Et pour cause : 65% des médecins3 estiment manquer de temps pour suivre des actions de formation continue. Pour autant, celles-ci se développent.
Les Diplômes Universitaires dédiés au numérique se multiplient : DU «Éthique du numérique en santé» (Paris-Saclay, depuis 2020), DU «e-santé et médecine connectée» (créé en 2017 par l’Université Paris-Diderot – devenue Paris-Cité), DU «Santé numérique : éthique, droit et gouvernance» (Université catholique de Lille, depuis 2019) ou encore le DU «Intelligence artificielle et santé» (lancé en novembre 2021 par l’Institut 3IA Côte d’Azur).
Ces formations s’adressent aux professionnels de santé mais aussi aux ingénieurs biomédicaux ou encore aux étudiants et chercheurs en biologie-santé. Certains DU sont également ouverts aux infirmier.e.s, aux responsables juridiques des établissements de santé et de manière plus globale à toute personne qui souhaite développer des projets d’Intelligence artificielle nécessitant le recours aux big data médicales.
Le public est donc large, favorisant la transdisciplinarité et l’interprofessionnalité qu’exigent les approches numériques... et que réclament les professionnels de santé eux-mêmes ainsi que les patients.
Dans ce domaine de la formation médicale, l’avènement de la réalité virtuelle est – et restera probablement dans un futur proche – l’innovation la plus impactante. Elle rend possible l'entraînement des praticiens à des techniques complexes et permet par ailleurs à quantité de formations d’être bien plus accessibles et immersives.
Il y a quelques années, nous, rhumatologues, étions formés en nous entraînant sur des cadavres ou des mannequins avant de réaliser nos premières infiltrations sous échographies sur les patients. Ces formations n’étaient possibles qu’en présentiel.
Aujourd’hui, le congrès annuel de rhumatologie s’est parfaitement digitalisé, jusqu’à retransmettre en direct, pour tous les rhumatologues francophones dans le monde, des images d’échographies articulaires réalisées lors d’un atelier.
On peut imaginer que la réalité virtuelle et le métaverse permettront très bientôt d’aller plus loin : par exemple, en permettant aux praticiens de prendre ensemble, dans un même espace virtuel, les commandes d’une sonde d’échographie virtuelle sur des patients virtuels. L’intérêt ? Partager leurs expériences à distance et dans le monde, amplifiant ainsi leurs connaissances et la connaissance médicale globale.
Dans d’autres spécialités, l’utilisation poussée d’innovations pour la formation et la recherche est déjà une réalité bien ancrée. Grâce au «Bloc OPératoire Augmenté» (BOpa) de l’AP-HP 4, le chirurgien peut d’ores et déjà opérer en ayant tous ses sens augmentés par les technologies numériques. Ces avancées majeures, le grand public pourra les découvrir lors du salon MedInTechs, au sein du Village Innovation Chirurgicale et Interventionnelle.5 Invités à se mettre «dans la peau» d’un chirurgien augmenté, les visiteurs pourront évoluer dans un bloc opératoire 2.0.
J’ai pris beaucoup de plaisir à co-concevoir MedInTechs. Ce salon de l’innovation médicale, ouvert à toutes et tous, s’est tenu en 2022 pour la première fois. Notre but était de montrer à quel point les technologies numériques transforment nos usages, nos espoirs et nos pratiques. Et à quel point elles sont déjà là, à portée de main.
Pour l’édition 2023 de MedInTechs, nous mettons la barre plus haut. Il ne s’agira pas seulement de présenter des innovations en santé. Nous inviterons les visiteurs, dont les professionnels de santé, à contribuer à la création des innovations médicales futures !
Rendez-vous à Paris les 13 et 14 mars !
Notes :
1- Stratégie d’accélération en santé numérique (dossier de presse)
2- Arrêté du 10 novembre 2022 relatif à la formation socle au numérique en santé des étudiants en santé
3- CNOM : Soigner Demain – «La parole aux médecins»
(note de synthèse - Février 2022)
4- En partenariat avec l’Institut Mines-Telecom et l'Université Paris-Saclay.
5- En partenariat avec Medicen Paris Région.
Ce hub de l'innovation santé en Île-de-France accompagne le développement de solutions diagnostiques et thérapeutiques innovantes.
Il fédère plus de 500 acteurs issus des sphères entrepreneuriales, industrielles, cliniques et académiques.