Les autres propositions émanent de ceux qui nous ont également mis dans le mur !
Il faudrait une rupture, oui. Mais en créant l’égalité entre le public et le libéral.
L’hypertrophie du domaine hospitalier a créé des monstres de plus de 100 000 mètres carrés qui ont peu à peu dévoré la majorité des cliniques privées. Les hôpitaux locaux de taille plus humaine concentrent alors leurs activités dans des soins de suite, de gériatrie ou sur des Services de Soins et de Réadaptation (SSR). Quant aux services de convalescents et des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes, les fameux EPHAD, ils ressemblent parfois plus à des mouroirs qu’à des hôpitaux.
L’éloignement de la population entraîne de plus un surcroît de dépenses en véhicules sanitaires de transport, sans parler du sous-effectif médical qui impose des attentes interminables aux urgences. Les dépenses explosent. La nouvelle gouvernance a renforcé les pouvoirs exercés par le directeur d’hôpital. Le conseil d’administration est transformé en conseil de surveillance. Cette évolution va participer à la crise et à la socialisation étatique du système de santé et à la multiplication des couches administratives qui paralysent les soins.. Ce constat n’a pas empêché des projets pharaoniques de voir le jour tel le nouvel hôpital sud-francilien (HSF) : 110 000 mètres carrés. Il est encore plus gigantesque que les derniers nés que furent Strasbourg et Toulouse. Il comporte 1100 chambres et 26 blocs opératoires. Les malfaçons et les surcoûts de réalisation le rendent largement déficitaire avant même son ouverture. Le bail de partenariat public privé devait durer 30 ans. Il prévoyait un loyer annuel indexé dont le coût annuel et la maintenance sont faramineux. Pour 2014 il devait être de 48 millions d’euros. Un accord forfaitaire a dû être conclu pour solder les paiements pour 80 millions d’euros. L’hôpital sud-francilien reprendra à sa charge les coûts de maintenance. Comprenne qui pourra !
Il faut revenir en arrière et supprimer ARS et GHT, afin de rendre l’autonomie aux hôpitaux et aux chefs de service. Les effectifs hospitaliers sont pléthoriques : le personnel hospitalier français compte plus d’un million deux cent mille salariés. Près de 35 % sont des personnels purement administratifs. L’absentéisme y est marqué avec 11 % des jours ouvrés, ce qui représente presque un mois par année d’activité. Les crédits affectés à leur remplacement représentent 5 % de la masse salariale. On compte 100 000 médecins, dont 6 000 PU-PH. Il faut ajouter 30 000 non titulaires. Les hôpitaux ont recruté des médecins qui ne sont pas issus de cursus diplômant. Nombre de postes restent vacants en chirurgie et en anesthésie, car insuffisamment rémunérés face aux obligations. Les pleins temps sont écartelés entre les tâches administratives, les réunions de Formation Médicale Continue (FMC) et celles de la Commission Médicale d’Établissement (CME). Les congrès, la formation des internes, la présence et les communications dans les sociétés savantes sont incontournables, mais sont un poids, faute de temps, pour maintenir la qualité des soins. La bonne marche des services et la gestion d’une clientèle privée compliquent encore un peu plus les emplois du temps et l’évolution de leurs carrières.
La nouvelle gouvernance devra être abrogée : Le plan national de santé ne pourra pas changer cette donne sans une profonde réforme organisationnelle. Les plans successifs ont mal cerné cette véritable descente aux enfers. La concentration des plateaux techniques, des spécialistes, les RTT, les luttes syndicales et le gigantisme hospitalier en sont les principales raisons en aggravant la pénurie dans de nombreuses régions. Pendant ce temps les cliniques regroupées dans des chaînes se restructuraient. Ce recentrage hospitalier découle de la fausse bonne idée de la mutualisation des hommes et des plateaux techniques. L’école de Rennes, l’école des Hautes Études de Santé Publique participe à cette évolution néfaste qui permet à certains directeurs de faire des carrières plus brillantes lorsqu’ils sont à la tête de ces nouveaux monstres.
Enfin, les internes de médecins ont dépassé le nombre de 26 000, et ont été classés de façon aléatoire par l’Épreuve Classante Nationale (ECN). Ils sont mis à contribution pour faire fonctionner les services, alors que les externes se limitent à s’occuper de la paperasse et du secrétariat administratif aux dépens de leur formation clinique. Les Chefs-de-Clinique n’ont ni le temps ni parfois même les capacités pour les encadrer. Ils revendiquent en conséquence le repos compensateur, la prise en compte des journées de formation dans leur temps de travail. Comble de l’histoire, il a fallu qu’ils se mettent en grève pour que le Ministère de la Santé commence à les écouter. Les infirmières sont devenues des étudiantes, en route vers un master, au prix d’un allongement de la durée de leurs études. Leur cursus devient de plus en plus théorique et les éloigne du contact avec les patients. On les hyperspécialisés sans en faire pour autant des officiers de santé. C’est ainsi qu’on a créé une spécialité avec les Infirmiers de Bloc Opératoire (IBODE) au prix de 18 mois d’école supplémentaire afin d’acquérir des connaissances en techniques de stérilisation, en procédures juridiques et des notions chirurgicales de base. Ce cursus comporte 14 spécialités chirurgicales censées être acquises en 14 semaines, alors qu’un minimum de 3 mois est nécessaire à un étudiant en médecine après 5 ans d’études pour commencer à être efficace comme aide opératoire. Les IBODE vont tomber de haut au contact des réalités du bloc comme en témoignent les plaintes actuelles de cette corporation. Ils connaissent certes toute la théorie des procédures de qualité. Ils sont formatés aux référentiels multiples à appliquer pour obtenir les accréditations et satisfaire aux audits, mais ils sont bien mal préparés aux aides opératoires dans la pratique chirurgicale d’un bloc.
Tout est à reconstruire en revenant aux fondamentaux lors des études de médecine et en arrêtant la fonctionnarisation de la santé. Fin des RTT, des GHT et des ARS et les hôpitaux se porteront mieux avec de vrais internes et de vrais chefs de service !
Que va nous proposer la ministre de la Santé ?
On craint le pire, mais celui-ci n’est jamais sur !
Retrouvez le Dr Bernard Kron, Membre de l’Académie de Chirurgie sur le plateau d’André Bercoff sur SudRadio.