L’association entre infection à Helicobacter pylori et pathologies non-gastriques a été largement étudiée, y compris les maladies cardiovasculaires, révélant des résultats incohérents. La faible prise en considération des facteurs socio-économiques, significativement associés à la prévalence de l’infection à Hp ainsi qu’aux facteurs de risque cardiovasculaire n’y est probablement pas étrangère. Les études investiguant la relation entre infection à H. pylori et l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire sont peu nombreuses.
Une étude a été réalisée sur 37 263 patients sains pour évaluer l’association entre infection à Helicobacter Pylori et chaque facteur de risque cardiovasculaire, en prenant compte de potentiels facteurs confondants, au sein d’une large population asymptomatique (DOI: 10.1038/srep38015). Les participants effectuaient un bilan de santé, comprenant la détection d’anticorps spécifiques à Hp, dans un centre de santé de Séoul (Corée du Sud), entre 2004 et 2007. Les caractéristiques démographiques, données anthropométriques, résultats d’analyses sanguines, et questionnaires épidémiologiques ont été collectés et analysés.
La prévalence d’infection à H. pylori est de 59.0%, et celle d’un syndrome métabolique est de 12.7%. Le groupe séropositif à H. pylori est caractérisé par une plus forte proportion d’hommes (57.5 vs. 54.3%), un âge moyen plus élevé (50.4 vs. 48.4 ans), des historiques d’hypertension, diabète et dyslipidémie plus fréquents (16.9, 6.2 et 12.7% vs. 15.7, 5.5 et 11.5% respectivement), des valeurs inférieures des paramètres métaboliques (IMC, tour de taille, pression sanguine, cholestérol total et de faible densité (LDL-C), triglycérides (TG), glucose à jeun, et hémoglobine glyquée (HbA1c)) hormis le cholestérol de haute densité (HDL-C) qui est amoindri. La prévalence du syndrome métabolique est plus élevée dans le groupe infection à Hp (13.1 vs. 12.0%, p=0.002).
La présence d’un syndrome métabolique est positivement associée (p<0.001) à l’âge (RR=1.04), au genre masculin (RR=1.55), au statut de fumeur (RR=1.59), à l’IMC (RR=1.23), au pourcentage de graisse corporelle (RR=1.02), au niveau d’alanine aminotransférase (ALT, RR=1.01) et au niveau d’acide urique (RR=1.08), et négativement associée à un haut niveau d’éducation (RR=0.84, p=0.014) et à de haut revenus (RR=0.86, p=0.046). Il n’y a pas d’association significative entre syndrome métabolique et infection à H. pylori.
Concernant le risque métabolique, l’infection à H. pylori n’est pas un facteur de risque de l’obésité centrale (associations non significatives avec des valeurs élevées de tour de taille, pression sanguine et glucose à jeun). Par contre, l’infection à H. pylori apparaît comme un facteur de risque d’un LDL-C élevé (RR=1.21, p<0.001) et d’un HDL-C amoindri (RR=1.10, p=0.021), mais n’est pas associé à des TG élevés.
Enfin, au niveau des facteurs de risque cardiométabolique, l’infection à Hp est corrélée à des valeurs élevées de cholestérol total, de LDL-C et de pression sanguine diastolique (coefficients de corrélation= 2.114, 3.339 et 0.539, p≤0.001), et à des valeurs inférieures de HDL-C (coefficient= -1.237, p<0.001). Il n’y a pas de corrélation avec les paramètres liés à l’obésité (IMC et tour de taille), la tolérance au glucose (glucose à jeun et HbA1c), la pression sanguine systolique et le niveau de TG.
Cette étude sur une très large cohorte de patients sains se conforme aux données épidémiologiques d’infection à H. pylori, révélant ici une prévalence de 59% au sein d’une population saine de Séoul. Les analyses statistiques révèlent que l’infection à Hp est un facteur de risque indépendant de la dyslipidémie, mais pas des autres facteurs de risque cardiovasculaire. Ceci supporte le rôle de l’infection à H. pylori dans le développement de l’athérosclérose via la dyslipidémie. Cet article s’inscrit également dans les controverses autour du rôle potentiel de l’infection à H. pylori dans l’obésité ainsi que dans le diabète et l’intolérance au glucose, ne révélant aucune de ces associations.
Un dépistage des infections asymptomatiques à Helicobacter pylori pourrait être bénéfique au sein des populations à risque de maladie cardiovasculaire, présentant une dyslipidémie, pour mettre en place une thérapie d’éradication de l’infection (thérapie antibiotique existante et très efficace) dans le but de diminuer ce risque.
Texte: esanum / jd
Photo : Sebastian Kaulitzki / Shutterstock