Les leucémies sont des cancers de la moelle osseuse qui envahissent le sang. La leucémie aiguë lymphoblastique (LAL), dont souffrait Layla, est la forme la plus fréquente de leucémie infantile. On assiste alors à une multiplication incontrôlée de lymphoblastes qui nuisent au fonctionnement de la moelle osseuse. Cette dernière devient alors incapable de produire des cellules sanguines.
Le traitement de la leucémie dépend bien-sûr de son type, de l’âge du patient et de son état de santé. Il consiste habituellement en une longue chimiothérapie, associée à une prophylaxie du système nerveux central, pour empêcher une propagation du cancer à l’encéphale ou au LCR. On peut l’associer à une radiothérapie et à une greffe de moelle osseuse, mais le pronostic reste très mauvais. D’ailleurs, Layla n’avait répondu positivement à aucun de ces traitements. On envisageait déjà les soins palliatifs.
C’est alors que les médecins ont proposé à la famille de la jeune patiente un nouveau traitement expérimental, qui consiste à modifier les lymphocytes d’un donneur sein pour combattre la leucémie, en augmentant leur action anticancéreuse par suppression des LT-régulateurs. Jusqu’à présent, on utilisait les propres cellules immunitaires du malade.
Layla a reçu une infection de cellules génétiquement modifiées. Les lymphocytes T (ou LT) manipulés sont renommés CAR-T. Leur patrimoine génétique est modifié par un vecteur qui est un généralement virus génétiquement modifié : on intègre ainsi l’information génétique dans le noyau des LT. Ils fabriquent un récepteur ciblant une protéine tumorale : le récepteur CAR. Ces récepteurs possèdent une région intercalaire, un domaine transmembranaire et deux domaines de costimulation. Il suffit ensuite de multiplier ces fameuses cellules et de les injecter au patient. Layla a reçu les cellules UCART19, et, quelques semaines plus tard, on apprenait sa rémission totale.
On cible en particulier l’antigène CD19. Il est en effet exprimé massivement seulement sur les cellules tumorales leucémiques. Grâce aux cellules CAR-T, on associe thérapie génique et thérapie cellulaire. Encore peu testée, cette nouvelle thérapie a pour le moment donné des résultats encourageants.
On a pu noté cependant chez certains patients un effet iatrogène grave : le syndrome de libération de cytokines. Ces dernières étant des cellules immunitaires, leur libération dans l’organisme provoque un syndrome inflammatoire aigüe, avec fièvre importante et chute de la pression artérielle, entre autres. Certaines équipes ont eu alors l’idée d’incorporer un « gène suicide » qui provoquerait l’apoptose des cellules risquant d’enclencher un effet toxique. Des essais cliniques sont toujours en cours, et la commercialisation n’est pas prévue avant cinq ans
Plusieurs entreprises travaillent aujourd’hui sur la possibilité de fabriquer des CART-T allogéniques, qui pourraient être « stockés » comme n’importe quel médicament. Cela permettrait de se passer à moyen terme des CAR-T « autologues », provenant du malade, et pas toujours disponibles à un stade avancé de la maladie. Toute la difficulté repose à éviter un rejet immunitaire du receveur, d’où l’intérêt de supprimer le récepteur TCR des CAR-T.
Une entreprise française, Cellectis, travaille activement sur ce projet. Cette standardisation de ces médicaments permettra surtout une baisse relative des coûts de production, jusqu’ici estimés entre 250 000 et un million de dollars par patient. Le cours de l’action en bourse de la start-up, estimée à 1,4 milliards de dollars, a d’ailleurs déjà bondi de 11%.
Texte : esanum / pg
Photo : GeK / Shutterstock