Abus physiques, psychologiques, sexuels, financiers, etc. Les violences domestiques ont de multiples visages et atteignent dans le monde une femme sur trois. Au Royaume-Uni, un quart des femmes en fait l'expérience à un moment donné de sa vie.
L’étude1 menée par les universités de Warwick et Birmingham s'inscrit dans un vaste programme de recherche sur les conséquences de la violence domestique sur la santé. Elle a été publiée le 17 février dans le Journal of the American Heart Association.
Pour les chercheurs, il s’agissait de comprendre le lien entre l'exposition à la violence domestique dans une population féminine, le développement ultérieur de maladies cardiométaboliques (maladies cardiovasculaires, hypertension et diabète de type 2) et la mortalité toutes causes confondues.
Ils ont utilisé les dossiers médicaux tenus par des médecins généralistes britanniques entre 1995 et 2017. 18 547 femmes ont été identifiées - leur dossier comportant un code spécifique attribué par le médecin - comme victimes de violences domestiques. Elles ont été comparées à 72 231 femmes ayant des caractéristiques similaires (âge, indice de masse corporelle, tabagisme, etc.) mais non déclarées comme victimes de ce type de violences. Le risque absolu de décès, parmi ces femmes victimes de violences domestiques, était de 6‰ par an. Pour les autres, il était de 3,1‰ par an. Après ajustement, la surmortalité observée chez les premières est de + 44%.
L’étude a montré que le risque de développer des pathologies cardiaques ou métaboliques suite à des violences est considérablement accru : + 31% pour les pathologies cardiovasculaires, + 51% pour le diabète de type 2. Aucune association n'a par contre été trouvée avec l'hypertension.
Pendant la période couverte par l'étude, le nombre de patientes décédées a été relativement faible (948 sur une cohorte totale de 91 778). Cela est probablement dû au fait que l'âge d'entrée dans la cohorte était jeune (37 ans).
D’abord, le nombre de femmes victimes de violences domestiques est très probablement sous-évalué. Les chercheurs ont constaté un écart entre le nombre d’abus identifiés par les médecins généralistes - qui concerneraient 0,5% des femmes - et les données d’une enquête nationale. D’après celle-ci, la prévalence de femmes dans cette situation peut être estimée à 1 femme sur 4. Cela signifie que nombre de femmes victimes n’ont pas informé leur médecin, ou bien que leurs dossiers n’ont pas été correctement renseignés.
Ensuite, le lien entre la gravité des violences et l’augmentation des risques pour leur santé est difficile à établir. L'auteur principal, le Dr Joht Singh Chandan explique : « Comme ces dossiers ne contiennent pas de détails approfondis sur les expériences traumatisantes, il n'a pas été possible d'évaluer si la gravité des violences domestiques était associée à un impact spécifique (…) Cette étude montre que, dans cet ensemble de données, la cohorte de femmes identifiées comme ayant subi des violences domestiques est plus exposée que celle qui n'a pas été identifiée comme telle. » Le chercheur précise que « Toutes les femmes victimes de violences domestiques ne développeront pas une maladie à long terme. »
Enfin, les chercheurs n’ont pas été en mesure de confirmer la de cette augmentation de la mortalité, qui peut s'expliquer entre autres par l'augmentation du risque cardiovasculaire. Ils soupçonnent notamment le rôle délétère du stress aigu et chronique, celui-ci pouvant être relié à des facteurs tels qu'une mauvaise alimentation, une consommation d'alcool et de tabac, etc.
Pour le Dr Krish Nirantharakumar, co-auteur de l'étude, « Il faut non seulement continuer à financer et à soutenir les initiatives visant à prévenir la violence domestique, mais aussi investir dans les services qui peuvent apporter le soutien et les soins nécessaires aux victimes d’un tel traumatisme, afin de prévenir le développement de conséquences négatives. »
Cette équipe de chercheurs multiplie les travaux sur les effets physiques et psychologiques de la violence domestique. En 2019, ils ont publié des études montrant que les femmes ayant subi des violences domestiques ont un risque de développer une fibromyalgie et un syndrome de fatigue chronique quasiment deux fois plus élevé. Une autre étude, publiée en juin 2019, avait montré que ces femmes victimes sont trois fois plus susceptibles de développer des maladies mentales graves.
Le Dr Nirantharakumar en conclut que « Notre compréhension des effets de la violence domestique sur la santé physique et mentale n'en est sans doute qu'à ses débuts. » Raison pour laquelle les chercheurs soulignent la nécessité pour les professionnels de santé d'être dès à présent conscients des impacts des violences domestique sur la santé. Ils suggèrent un travail plus étroit entre les autorités de santé et la police - par exemple avec un meilleur partage des données - afin d'aider les médecins généralistes à mieux répondre à cet impératif.
Sources :
The Risk of Cardiometabolic Disease and All-Cause Mortality in Female Survivors of Domestic Abuse
published in the Journal of the American Heart Association, DOI: 10.1161/JAHA.119.014580