Cancer du sein : L'évolution de l'IMC, un indicateur à surveiller avec attention
Cancer du sein : une étude s'intéresse à l'évolution de l'IMC une fois le traitement initié. Les résultats sont surprenants.
IMC des patientes au moment du diagnostic
L’étude «The challenge of weight gain in hormone receptor-positive breast cancer”1 a analysé les dossiers médicaux de 140 patientes diagnostiquées entre 2010 et 2020 avec un cancer du sein invasif à un stade précoce, HER-2 négatif et RH+ (ER et/ou PR). Dès le début du traitement, des disparités en termes d’obésité selon l’origine ethnique ont été observées. Au moment du diagnostic, 55,6 % des patientes noires étaient obèses (IMC ≥30 kg/m²), contre 30,3 % des autres patientes. L'obésité est un facteur de risque majeur et il est prouvé que les femmes noires ont un taux de mortalité lié au cancer du sein 40 % plus élevé que celui des femmes blanches, et plus de deux fois supérieur à celui des femmes asiatiques2.
Évolution de l’IMC en cours de traitement
Surprenamment, les résultats de l’étude ont montré que les patientes obèses au moment du diagnostic étaient les plus susceptibles de perdre du poids après le diagnostic. Leur IMC a diminué en moyenne de 0,6 point, et seulement 31 % des patientes obèses ont vu leur IMC augmenter d’au moins 0,1 par an. À l'inverse, les patientes ayant un IMC normal ou en surpoids au moment du diagnostic étaient plus enclines à prendre du poids après le traitement. Ainsi, 71,4 % des patientes en surpoids (mais non obèses) et 45,5 % de celles avec un IMC sain ont vu leur IMC augmenter.
Disparités ethniques et risques de récidive
L’étude a également révélé que les femmes noires présentaient un risque significativement plus élevé de récidive par rapport aux autres groupes ethniques (OR 7,21 ; IC 95 % : 1,48–35,09). Ce risque pourrait être attribué à plusieurs facteurs, dont l'accès aux soins, les disparités dans la prise en charge et les comorbidités liées à l'obésité. En effet, au moment du diagnostic, 55,6 % des patientes noires étaient obèses, contre 30,3 % des autres patientes, une différence significative (p = 0,034). Cependant, bien que l’interaction entre la race et l'obésité ait été observée, elle n'a pas atteint une signification statistique (p = 0,998). Néanmoins, ces résultats soulignent tout de même l'importance de porter une attention particulière aux facteurs de risque spécifiques chez les patientes noires.
Implications cliniques : suivi de l’IMC et stratégies de gestion du poids
L'augmentation de l'IMC chez les patientes ayant un IMC normal ou en surpoids au moment du diagnostic met en lumière l'importance d'une gestion proactive du poids après un diagnostic de cancer du sein. Une autre étude épidémiologique longitudinale3 soutient ces conclusions en indiquant que les patientes avec un IMC sain ou un surpoids modéré sont les plus à risque de prise de poids post-diagnostic. Par contre, les patientes obèses au diagnostic sont souvent les plus susceptibles de perdre du poids, souvent de manière involontaire, en raison des effets de la maladie ou du traitement.
De plus, une analyse secondaire d'une cohorte prospective4 a confirmé que 52 % des femmes atteintes d’un cancer RH+ à un stade 0–III ont pris du poids de manière cliniquement significative (≥5 % du poids de base) dans les cinq ans suivant le traitement. Cette prise de poids est souvent associée à une détérioration de la qualité de vie, notamment après l’initiation d’une thérapie endocrine adjuvante.
Obésité comme facteur de risque : une approche multidimensionnelle
Face à ces données, il est crucial de repenser les stratégies de prise en charge pondérale pour les patientes touchées par un cancer du sein. Certaines options, telles que les agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide et la chirurgie bariatrique, semblent prometteuses pour la gestion du poids des patientes. Cependant, leur sécurité dans un contexte post-cancer du sein doit être rigoureusement surveillée. Les jeunes femmes diagnostiquées avant la ménopause nécessitent des stratégies spécifiques, car leur risque de prise de poids est particulièrement élevé.
Enfin, il est important de rappeler que l'IMC, bien que largement utilisé, ne reflète pas toujours avec précision la répartition de la masse grasse et musculaire. Des méthodes plus spécifiques d’évaluation de la composition corporelle pourraient améliorer la prédiction des résultats pour les patientes atteintes de cancer du sein.
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The challenge of weight gain in hormone receptor-positive breast cancer; Oncoscience; September 23, 2024, Terrence C. Tsou, Avonne Connor and Jennifer Y. Sheng, https://www.oncoscience.us/article/608/text/
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Giaquinto AN, et al. CA Cancer J Clin. 2022; 72:524–41. https://doi.org/10.3322/caac.21754. PMID:36190501
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Stenholm S, et al. Epidemiology. 2015; 26:165–68. https://doi.org/10.1097/EDE.0000000000000228. PMID:25643097
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Uhelski AR, et al. J Cancer Surviv. 2023. https://doi.org/10.1007/s11764-023-01408-y. PMID:37261654.