En Europe, le spectre d'une crise des opioïdes
La consommation d'opiacés chez les patients européens atteints de troubles articulaires ne cesse d'augmenter. La crise des opioïdes aux États-Unis est dans tous les esprits.
Troubles articulaires : la hausse de la consommation d'opioïdes inquiète
La consommation d'opiacés chez les patients européens atteints de troubles articulaires ne cesse d'augmenter. La crise des opioïdes aux États-Unis est dans tous les esprits.
Une étude espagnole 1 évoquée en préambule du Congrès annuel de l'European League Against Rheumatism (EULAR) portait sur la population de Catalogne (nord-est de l’Espagne). Les données sanitaires de 80 % de la population catalane, soit environ six millions de patients, ont été analysées. Les résultats montrent que la consommation d'opioïdes chez les patients souffrant d'arthrose est passée de 15 à 25 % entre 2007 et 2016. Celle des opioïdes forts est passée de 8% à 20%.
Différents sous-groupes ont été analysés. Tous connaissent une augmentation de leur consommation.
- L’évolution de la hausse chez les hommes et les femmes est semblable, celles-ci en consommant toujours environ 4 % de plus que les hommes.
- La hausse est prononcée chez les patients âgés de plus de 64 ans (environ +10%), et s’envole chez ceux de plus de 84 ans (environ +15%).
- La hausse est plus marquée chez les personnes les plus précaires. Elles consomment environ 6% de plus que les personnes les plus socialement favorisées.
- La consommation d’opioïdes est toujours supérieure dans les zones rurales (+1%).
La question de l'arrêt du traitement
Une autre étude, menée en Islande et publiée en 2020 2, portait sur les taux de prescription des opioïdes chez les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, d'arthrite psoriasique, de spondylarthrite ankylosante et d'arthrite indifférenciée.
Ces groupes ont été comparés à des groupes témoins appariés. Les résultats montrent que la prise d'un traitement par inhibiteurs du TNF alpha n’a pas permis d’arrêter la consommation d’opioïdes. Au contraire, les auteurs ont constaté une tendance à l'augmentation des doses au fil du temps, tant chez les patients que chez les groupes témoins.
La dépendance aux opiacés devient un problème majeur. «Il est urgent d’agir.» déclarait ainsi le Pr Iain Mc Innes, président de l’European League Against Rheumatism en ouverture du congrès de l’EULAR 3 (à retrouver ici).
Le risque d’addiction demeure toutefois faible lorsque les opioïdes sont prescrits dans les règles. Le Pr John Isaacs - président du comité scientifique de l’EULAR - veut donc «sensibiliser les prescripteurs et les utilisateurs à une utilisation responsable.» Il estime que pour la prise en charge de la douleur chronique ces médicaments ne devraient «être qu’un élément d'un programme de traitement plus large, dans lequel médecins, psychologues et physiothérapeutes travaillent ensemble.»
Source :
1- Temporal trends of opioid use among incident osteoarthritis patients in Catalonia, 2007-2016: a population-based cohort study
2- Initiating TNF inhibitors in inflammatory arthritis does not decrease the average opioid analgesic consumption
3-EULAR 2020, conférence de presse en ligne du 27.05.2020