En Espagne, la lettre aux patients d'une médecin généraliste contre les fake news

«Bonjour, je suis le docteur Pilar Moreno, médecin de famille et je travaille au centre de santé de La Alamedilla à Salamanca...» Ainsi commence la lettre adressée à ses patients au plus fort de l'épidémie. Une lettre pédagogique pour contrer les fake news. Un appel à l'unité, car l'heure n'est pas (encore) aux revendications politiques.

«Bonjour,
je suis le docteur Pilar Moreno, médecin de famille et je travaille au centre de santé de La Alamedilla à Salamanca. J’ai reçu ces derniers jours par WhatsApp et Telegram quantité d'information et d’ opinions sur la situation actuelle de la pandémie dans notre province. Beaucoup sont des fake news...»

La Dre Moreno a envoyé cette lettre à ses patients dès le début de l’épidémie. Son but : éviter la propagation de la panique et des fausses rumeurs. Pour les rassurer, elle leur a donc expliqué qu'il existait une cellule de pilotage au niveau des autorités, ainsi qu'une étroite coordination entre la médecine de ville, les hôpitaux, et le dispositif centralisé dédié à la prise en charge des résidents des maisons de retraite.

La médecin généraliste en a profité pour rappeler que les professionnels avaient reçu des protocoles basés sur les recommandations des sociétés savantes et des services sanitaires de la province, et que par ailleurs ils disposaient du matériel de protection nécessaire.

C'était le 25 mars. Le pays était dans les moments plus durs de la montée de l’épidémie. Le premier décès d'une médecin généraliste en Espagne venait d’être confirmé. Les fake news et les messages alarmants commençaient à pulluler sur les réseaux sociaux.

Pourtant, le Dre Moreno ne constatait pas autour d’elle l’émergence d’une situation chaotique. Au contraire, les médecins s’étaient rapidement organisés. Dans sa lettre, elle expliquait aux patients comment à Salamanque la médecine de ville avait établi dès les premiers jours des protocoles et les avaient adaptés à la réalité de chaque centre de santé.

Par exemple, bien avant que la vague n'arrive le centre de santé de la Alamedilla (commune de la province de Salamanque) avait déjà mis en place un parcours de prise en charge spécifique. Tous les patients appellent le centre, quel que soit le motif, et sont rappelés par les médecins. Pour les problèmes respiratoires, une ligne à part est gérée par des internes et quelques médecins de famille. Ceux-ci décident si le patient doit bénéficier d’une consultation classique, d’une visite à domicile ou d’une hospitalisation.

Tout en reconnaissant la gravité de la situation, dans sa lettre la Dre Moreno demandait aux patients de ne pas relayer de messages alarmistes : «Chacun d'entre nous a un rôle a accomplir face à cette pandémie. La propagation de rumeurs angoissantes ne bénéficie à personne (…) On doit se concentrer sur une seule chose : se sortir de cette situation, et se préparer pour la crise qui touchera ensuite les secteurs économiques et sociaux le plus fragiles.»

Pour Mme Moreno, l’heure n’était pas non plus aux revendications. «Plus tard, nous aurons le temps d’exiger à nouveau que le système publique soit renforcé. Que les pouvoirs publiques fassent machine arrière sur les privatisations, comme on leur demande depuis des années. Nous devons sortir plus forts de cette crise, pour que demain ce soit le peuple qui soigne le peuple. Mais entre temps, collaborons avec les institutions pour sortir de la pandémie (…)»


Dr Calvo Mangas