Pour Andreas Vosskuhle, président de la Cour constitutionnelle, cette loi privait les patients en phase terminale du «droit de choisir (leur) mort» or d’après lui «Ce droit inclut la liberté de s'ôter la vie et de demander de l'aide pour le faire». «Nous pouvons regretter la décision (d'un malade de choisir de mourir), nous pouvons tout essayer pour le faire changer d'avis, mais nous devons finalement accepter sa libre décision» a-t-il ajouté.
La Cour constitutionnelle avait été saisie par des associations allemandes et suisses d'aide au suicide, mais aussi par des médecins et des patients. En Allemagne, le suicide relève du droit constitutionnel à «l'auto-détermination», mais les médecins et proches réclamaient une sécurité juridique accrue notamment en cas d'arrêt d'un traitement conduisant à la mort.
Ce dénouement intervient après quatre années de décisions contradictoires. En 2015, après des débats houleux, le Bundestag (parlement allemand) avait finalement banni l'assistance «organisée» au suicide ainsi que sa promotion. Les contrevenants encourraient trois ans de prison.
Mais en 2017 les juges de la plus haute juridiction administrative allemande avaient considéré que «dans des cas exceptionnels, l'État ne peut empêcher l'accès d'un patient à des produits anesthésiques qui lui permettraient de se suicider de manière digne et sans douleur». Ils avaient été saisis par le mari d'une femme entièrement paralysée, qui avait dû se rendre en Suisse pour bénéficier d'un suicide assisté en 2005.
L'application de cette décision était cependant bloquée depuis deux ans, le ministère de la Santé ayant demandé à l'Institut fédéral des médicaments de refuser les demandes des patients. «Plus de cent» personnes ont été concernées, selon l'agence de presse DPA.
Pour la vice-présidente du groupe social-démocrate au Bundestag, le ministre conservateur de la Santé doit désormais «renoncer à son opposition à la remise des médicaments nécessaires». La Cour constitutionnelle a précisé que le législateur dispose déjà d'un «large éventail de possibilités» pour réglementer l'assistance au suicide, dont les obligations d'information et d'attente.
La question du suicide assisté est très sensible dans ce pays marqué par l’histoire et où la religion reste influente. Si 81% des allemands s’y disent favorables1, tous se souviennent que le IIIe Reich a eu largement recours à l'euthanasie contre les personnes handicapées. Par ailleurs, l'archevêque de Berlin avait pour sa part mis en garde contre tout «changement du système de valeurs» par la Cour constitutionnelle. Il espérait «un signal fort pour la protection de la vie».
Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ont légalisé l'euthanasie mais les pays à forte tradition catholique - Irlande ou Pologne - sont opposés à toute aide à la mort. En Italie par contre la Cour constitutionnelle a récemment dépénalisé le suicide assisté.
Les autres pays - France, Suisse, pays scandinaves, Grande-Bretagne, Espagne et Portugal - tolèrent une forme d'aide à la mort par l'administration de traitements antidouleur aboutissant à abréger la vie d'un patient incurable.
Source :
1- sondage Infratest-Dimap