Le développement technologique de l’ère de la protéomique permet aujourd’hui de développer des stratégies d’analyses multiplexées. Ainsi, une étude récente parue dans Nature Scientific Reports (DOI: 10.1038/srep27187) met en application la technologie nommée “suspension microarray” (micro-billes couplées à différents ligands pour une capture et subséquente analyse de biomarqueurs spécifiques) afin d’analyser simultanément des biomarqueurs issus de différentes voies biologiques chez des victimes d’arrêt cardiaque afin de mieux prédire le risque de mortalité associé.
L’étude prospective a concerné 99 patients (dont 45 survivants) de crise cardiaque survenue en dehors d’une hospitalisation, avec retour initial de la circulation spontanée pendant au moins 20 minutes. Les données de bases montrent que le groupe survivant a un rythme défibrillable plus fréquent (20.0 vs. 9.3%, p=0.092) et un score APACHE II dans les 24h après réanimation inférieur (25.9 vs. 31.0, p=0.003). Des échantillons sanguins ont été prélevés dans les 2h après réanimation et à 24h après la crise cardiaque, afin de quantifier l’évolution de 21 biomarqueurs d’intérêt dans le sérum (biomarqueurs liés aux voies de l’inflammation, cardiovasculaire, neurologique, du stress oxydant, de la coagulation et du métabolisme). Après réanimation, des différences significatives sont observées avec notamment une augmentation des biomarqueurs IL-8 et IL-10 (liés à l’inflammation, p=0.002 et 0.013 respectivement), S100B (neurologique, p=0.032) et MDA-LDL (stress oxydant, p=0.012) dans le groupe des non-survivants. À l’inverse, seul le biomarqueur sCD40L (inflammation, p=0.001) est significativement diminué pour ce groupe.
En raison des décès survenus le premier jour (18 cas) et de retraits de la part des familles (18 cas), les données d’évolution des biomarqueurs à 24h après la crise cardiaque n’étaient disponibles que pour 63 des 99 patients. Seul le biomarqueur MCP-1 (inflammation) montre une évolution significativement différente entre les 2 groupes, en diminuant fortement (-44.7% de la valeur initiale) pour le groupe des survivants et en augmentant (+16.7%) pour le groupe des non-survivants (p=0.026).
L’analyse de la mortalité pendant les premières 24h a révélée une corrélation positive avec les taux initiaux des biomarqueurs S100B (OR=1.099), VCAM (OR=15.202), PAI-1(OR=2.537) et IL-1ß (OR=1.299). En ce qui concerne la mortalité après 24h, une corrélation positive est observée avec les taux initiaux de MDA-LDL, Cystatin-C, sRAGE et VCAM, ainsi qu’avec l’évolution à 24h de NT-proBNP, thrombomodulin et sRAGE. Au contraire, le taux initial d’IL-6 est négativement corrélé à cette mortalité. Enfin, parmi les survivants, des troubles neurologiques peuvent survenir suite à la crise cardiaque. Les analyses ont ici montré une corrélation négative de l’évolution à 24h du biomarqueur S100B et du taux initial de MPO avec des résultats neurologiques favorables à la sortie d’hôpital (OR=0.998 et 0.433 respectivement).
Des processus physiopathologiques complexes sont en oeuvre après une crise cardiaque, avec une intensité reflétant la sévérité des dommages occasionnés. Cette étude a mis en évidence des corrélations entre biomarqueurs et la survie après crise cardiaque. Des corrélations particulières permettent de souligner des voies biologiques “clés” dans le syndrome post-crise cardiaque à investiguer dans de futures études. Le choix des biomarqueurs étudiés, le faible nombre de cas et le biais possible du recrutement par consentement éclairé des patients ou proches font des résultats de cette étude une hypothèse à vérifier dans d’autres études à plus grande échelle. Cependant, la technologie de “suspension microarray” parait adaptée à ce type d’investigations.
Texte : jd / esanum
Photo : David M G / Shutterstock