L’EFS applique en fait l’arrêté ministériel du 12 janvier 2009 définissant les critères de sélection des donneurs de sang, qui stipule cette contre-indication pour garantir la sécurité transfusionnelle. Ce texte s’appuie sur une loi européenne de 2004 mentionnant que doivent être exclus du don « les sujets dont le comportement sexuel les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang ». La France a donc interprété cela en incluant les homosexuels dans ces personnes à risque.
Les données épidémiologiques de l’INVS (Institut National de Veille Sanitaire) datant de 2010 montrent que le nombre de découvertes de séropositivité VIH était de 6 pour 100 000 chez les hétérosexuels et de 758 pour 100 000 chez les homosexuels masculins, soit un risque d’exposition 200 fois plus élevé lors d’une relation sexuelle entre hommes. En 2012, l’INVS a modélisé le risque que constituerait l’ouverture du don de sang aux homosexuels ayant un seul partenaire sexuel depuis 12 mois. Le risque de contamination transfusionnelle par le VIH pourrait être multiplié par 4 dans le scénario le plus pessimiste.
A l’étranger, l’ajournement permanent est parfois remplacé par un ajournement temporaire équivalant à 12mois après le dernier rapport sexuel entre hommes (Australie, Grande-Bretagne) et cela semble garantir le même niveau de sécurité transfusionnelle. Mais ce délai est très différent selon les pays : 4 mois d’abstinence en Italie, 6 mois en Espagne voire 5 ans au Canada.
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, soutient en effet une des dispositions du projet de loi de Santé, voté par l’Assemblée nationale le 3 Avril 2015, stipulant que « nul ne peut être exclu du don du sang en fonction de l’orientation sexuelle ». Il serait question de modifier ce fameux arrêté ministériel et donc les critères de sélection ainsi que le questionnaire pré-don. Des réunions de concertation ont eu et auront lieu entre les différents acteurs impliqués : associations de patients, de donneurs, défense des droits des homosexuels, de lutte contre le VIH, l’EFS, l’INVS, l’ANSM, CCNE…
Les opposants de cet arrêté ministériel clament qu’il n’y a pas de « groupes » à risque mais des « pratiques » à risque, qui peuvent aussi bien concerner les homosexuels que les hétérosexuels. En 2013, le député Olivier Véran soutenait dans un rapport rendu à Marisol Touraine qu’un homosexuel dans une relation stable, ne prenant pas de risque particulier, peut percevoir ce refus définitif du don comme discriminatoire et injustifié. En comparaison, pour les hétérosexuels, le délai à respecter après un rapport à risque est de 4 mois avant de pouvoir donner son sang.
A l’heure actuelle, l’EFS fait face à une pénurie des dons accentuée durant la période estivale. Peut-on encore se permettre de refuser des donneurs alors que seulement 4% de la population donne son sang ? Certains homosexuels qui souhaitent malgré tout donner leur sang choisissent de répondre honnêtement au questionnaire pré-don mais sans mentionner qu’ils ont des rapports sexuels entre hommes afin de ne pas être exclus du don. D’après Marisol Touraine, la position du gouvernement est “de lever les discriminations relatives à l’orientation sexuelle, et de leur substituer un critère de comportement sexuel s’appliquant à l’ensemble des donneurs potentiels”. Et vous, quel est votre avis ?
Texte : pg