Pourrait-on un jour pouvoir dépister un cancer sans passer par une panoplie d’examens souvent invasifs, et avant même l’apparition des premiers symptômes, rien qu’en analysant le souffle de la personne ?
C’est ce que nous promettent les travaux menés par des scientifiques de Cambridge sous le financement de la Cancer Research UK Cambridge Center. Reposant sur le même principe que l’alcootest, un test analysant l’haleine émise est au centre de ces essais cliniques. Si ces recherches aboutissent, ce test permettrait de détecter dans le souffle d’une personne atteinte de cancer certains indicateurs à l’aide d’une sorte de biopsie respiratoire.
Telles sont les promesses ayant motivé le lancement de ces essais cliniques. En effet, les études épidémiologiques montrent que certains cancers (surtout digestifs et respiratoires) sont souvent diagnostiqués tardivement chez les patients, ce qui limite beaucoup la stratégie thérapeutique et les chances de survie des patients. Les raisons de ce retard diagnostique incluent entre autres la négligence de certains symptômes digestifs ou respiratoires confondus fréquemment avec des signes de pathologies bénignes, ou encore le décalage important entre l’apparition du cancer et les premiers signes liés à la maladie.
Le Professeur Duncan Jodrell du CTCC a expliqué les raisons du besoin d’un tel test de dépistage : « Dans le cancer du pancréas par exemple, seulement 1 % des patients survivront 10 ans après le diagnostic. Des méthodes améliorées de détection précoce seront cruciales pour nous permettre de diagnostiquer et de traiter ce cancer plus tôt ».
Un test simple, non invasif et peu coûteux de dépistage apporterait des solutions à ce problème en permettant de détecter ces cancers à un stade précoce et dès le début de la maladie.
Ce test repose essentiellement sur l’analyse de certaines molécules dans l’haleine du sujet subissant le test, appelées composés organiques volatils (COV).
Les réactions biochimiques qui se passent dans l’organisme humain permettent de libérer des composés dont la structure serait modifiée en présence de cancer. En effet, dans ce cas, le fonctionnement des cellules change ce qui entraîne une formule de COV différente. Cette particularité pourrait selon les scientifiques représenter le signe d’un cancer débutant et permettrait de tirer la sonnette d’alarme. Les recherches ont ainsi pour but d’identifier à l’aide d’une technologie de biopsie du souffle la présence de certains schémas de COV pouvant indiquer la présence de cellules cancéreuses. Le nom de cette technologie permettant de capturer ces COV dans l’échantillon d’haleine et de les analyser : Breath Biopsy de la firme Owlstone Medical.
Sous la direction du Pr Fitzgerald de la MRC Cancer Unit de l’Université de Cambridge, il a été planifié, que d’ici 2021, l’étude sera de réalisée auprès de 1500 personnes à l’hôpital Addenbrooke de Cambridge au Royaume-Uni.
Les personnes incluses dans les essais cliniques comprendraient certaines ayant été adressées par leur médecin à l’hôpital en raison de la présence de certains symptômes faisant suspecter un cancer ainsi que des personnes saines. L’objectif étant la comparaison des profils de celles chez qui on détectera plus tard un cancer aux profils des sujets sains afin de rechercher un schéma particulier, indicateur de certains cancers.
L’essai commencera par les personnes suspectes de cancers œsophagiques et gastriques et englobera par la suite d’autres types de cancers : prostate, reins, vessie, foie et pancréas.
Selon le Pr Fitzgerald « Intuitivement, le cancer du poumon semble être le cancer le plus évident à détecter dans l’haleine. Mais à cause de la façon dont les métabolites sont recyclés dans le corps, beaucoup d’autres molécules volatiles d’autres parties du corps finissent aussi dans la respiration. » Elle ajoute : « Nous avons un besoin urgent de développer de nouveaux outils, comme ce test respiratoire, qui pourraient aider à détecter et à diagnostiquer un cancer plus tôt, donnant ainsi aux patients les meilleures chances de survivre. »
Dr David Crosby, responsable de la recherche sur le dépistage précoce à Cancer Research UK Cambridge Center, a aussi déclaré que les tests respiratoires étaient une technologie susceptible de « révolutionner la manière dont nous détecterions et diagnostiquerions le cancer à l’avenir ».
Enjeu de grande taille, ce test pourrait, si les recherches aboutissent positivement, modifier notablement le pronostic de certains cancers connus pour leur agressivité avec une chance de survie quasi nulle comme le cancer du pancréas. Pour le moment, et même s’il ne s’agit encore que d’une étude pilote dont on ne peut en tirer des conclusions concernant la possibilité d’emploi du test d’haleine comme moyen de détection précoce des cancers, cet essai représente une lueur d’espoir dans le cadre de la recherche sur le cancer.